Archives par auteur Maxime Neuville

L’envers_PFE

L'envers

Pour un renouvellement urbain des quartiers précaires

Julie CHAMBAUD -Tanguy GUYOT - Marie LAUNAY - Maxime NEUVILLE - Violette SOLEILHAC

Face par laquelle il est moins fréquent de regarder quelque chose, souvent cachée. Intérieur laissant apparaître les coutures, la construction d’un objet textile.

source CNRTL

L’ objet textile c’est Manchester, Cottonopolis, ancienne puissance industrielle ayant décliné depuis, mais arguant un développement nouveau autour de la figure de ses canaux oubliés. La construction, elle a été portée par les ouvriers qui ont participé à l’apogée de ce territoire et qui souffrent aujourd’hui des crises qui les malmènent. Oubliés, ils le sont depuis plus longtemps que les canaux, toujours en marge de la ville, en dehors de la Cité. Quels sont les projets de la métropole pour ces derniers, rassemblés au sein d’habitations sérielles issues de la période industrielle ? L’attente, ou la démolition massive au profit de nouveaux projets urbains excluant toujours plus loin les minorités. Nous avons souhaité nous concentrer sur ces parties oubliées de la métropole, à la marge des politiques urbaines. Vous trouverez dans ce résumé la démarche que nous avons portée ce semestre et que nous souhaitons développer dans le cadre de notre Projet de Fin d’Études.

Précarité

Les coulisses de la fabrique métropolitaine

Devant la complexité de ce territoire, nous avons préalablement porté un regard statistique sur cette aire métropolitaine structurée autour des villes de Manchester et de Liverpool. Nous nous sommes très rapidement heurtés à la précarité de ce tissu anciennement productif. Le passé ouvrier et les multiples crises amorçant la déprise industrielle n’ayant épargné ni le territoire du Manchester Ship Canal, ni ses habitants.

On vit 7 ans de moins à Manchester que dans le reste de l’Angleterre. 

La cartographie de ces données fait ressortir des conglomérats de quartiers principalement urbains, isolés au sein d’un territoire très hétérogène. La figure de l’archipel a ainsi été un outil pour qualifier ces isolats du territoire où la vie est particulièrement plus dure. Ces problématiques nous ont permis de cartographier des maux principalement urbains, se concentrant dans et autour des deux métropoles jumelles : Liverpool et Manchester. La figure du Canal est secondaire dans le cadre de cette analyse, ne concentrant pas ces aires urbaines multidéfavorisées et ne nécessitant pas une urgence d’action.

Back to Health, Back to Earth

La seconde couronne mancunienne entre oubli, désintérêt et pression foncière

La cartographie de ces difficultés sociales sur la métropole mancunienne fait ressortir la seconde couronne de la ville. Le système de santé est déjà bien constitué, néanmoins on peut aujourd’hui questionner son implantation et sa présence au sein des tissus les plus défavorisés. Les problématiques de santé dans ces quartiers sont principalement chroniques et questionnent sur une présence à plus petite échelle du système de santé. Une action plus générale du système de santé portant sur le bien-être en ville et en même temps plus localisé, permettrait de désengorger les services-hôpitaux aujourd’hui exsangues. Nous avons donc cherché à qualifier ces tissus précaires entourant la ville de Manchester et nous nous sommes rapidement rendu compte que ces aires urbaines correspondaient aux tissus historiques des Terraced Houses, maisons ouvrières en bande construites dans les 1900. 

“ Trente ou quarante manufactures s’élèvent au sommet des collines (…). Autour d’elles ont été semées comme au gré des volontés les chétives demeures du pauvre.” Alexis de Tocqueville, «Oeuvre complètes: Voyages en Angleterre, Irlande, Suisse et Algérie», Manchester, le 2 juillet 1835

Aujourd’hui, seules les chétives demeures du pauvre restent là. Les industries sont parties. Les ouvriers restent. On parle souvent de l’héritage industriel pour le patrimoine qu’offrent les sites de production, mais rarement de ce que cette industrialisation a produit en matière d’habitations et de mode de vie.

300px-NHS-Logo-01

NHS, CLT, ...

Des acteurs contre l’inaction et la dégradation au
sein des quartiers défavorisés

“Le parlement doit maintenant organiser le Brexit samedi afin que nous puissions passer à d’autres priorités, telles que le coût de la vie, le système de santé, les crimes violents et notre environnement.”

Boris Johnson, sur twitter, après l’accord conclus avec l’Union Européenne le 17 octobre.

Le “dévolution act”, mis en place en févier 2015, est un accord de décentralisation historique et expérimental avec le gouvernement afin de prendre en charge les dépenses et les décisions en matière de santé et de service sociaux dans la région de Manchester. Dans ce cadre un budget de 6 milliards de livres est accordé au Greater Manchester. Un budget de 450 millions de livres est alloué aux fonds de transformation. Il peut être un outil de projet. Un Community Land Trust, appelé en droit français organisme foncier solidaire, est une personne morale à but non lucratif ayant pour objet de détenir la propriété de terrains sur lesquels des logements sont bâtis, et ce afin que ces derniers restent perpétuellement à coût abordable, et nettement inférieurs au prix du marché. En dissociant le sol du bâti présent en son sein, le CLT permet de lutter contre la gentrification et de conforter les populations déjà présentes sur son territoire. Il peut progressivement prendre de l’importance et passer d’un outil de gestion à un outil de projet, au service de la communauté. Ces deux acteurs, parmi d’autres, nous montrent que l’on peut agir au sein de ces quartiers.

Terraced Houses

Pertinences et Limites d’un modèle anglais 

Ce modèle d’habitation sériel laisse peut ressortir les symptômes de la précarité en façade et dans l’espace public. C’est pourquoi nous avons cherché, à travers l’exercice du récit fictionnel à qualifier la vie quotidienne de ces habitations. Nous y avons confronté un arpentage photographique scientifique, montrant la récurrence de ces habitations avec des brèves fictionelles, révélant l’envers de ces façades, le quotidien de ces populations. Ce récit renvoie aussi bien à la qualité des logements qu’au cadre de vie, à l’environnement qu’aux politiques gouvernementales. Il amorce autant de pistes programmatiques possibles pour répondre à ces problématiques du quotidien. 

Nous avons choisi de documenter ces maisons ouvrières en bande, construites lors de l’essor industriel afin de loger la forte demande de main-d’oeuvre nécessaire à la ville. Il nous semblait donc primordial de mener un travail d’analyse d’archives in situ puis de redessin de ces typologies datant pour certaines d’avant le 20 ème siècle. Ces constructions se démarquent aujourd’hui par la pérennité de leur système constructif et la simplicité de leur plan, mais nécessitent d’être requestionnées à l’aune du 21ème siècle. Elles offrent une densité de 80 lgts/ha, très pertinentes, équivalentes à des ZACs actuelles (50 lgts/ha – grand-ensemble). Le bâti génère une échelle humaine très intéressante et offre de réels espaces extérieurs aux habitations. Back yard et Front yard, dans certains cas, offrant une réelle plus-value à ces logements de 20 à 30 m2.

Néanmoins, bien que les typologies soient toujours d’actualités, elles sont trop récurrentes et demandent des variations pour répondre à la complexité des modes de vie actuels. Le modèle est directement touché par la précarité énergétique et sa rénovation nécessite d’être pensée. L’université de Manchester étudie dans le cadre de recherches universitaires les potentiels systèmes d’isolation pouvant être mis en place, ainsi que leur pertinence économique. Il est nécessaire de pallier l’insalubrité des venelles et des espaces extérieurs privés, encombrés de déchets, et insalubres.

Quartiers défavorisés, Quartiers oubliés ?

Histoire arpentée du tissu de terraced houses de Manchester

En arpentant ces quartiers en marge de la dynamique métropolitaine nous nous sommes rendu compte de la polysémie de cette précarité. Néanmoins, leurs formes sont toutes étroitement liées. La précarité est historiquement enracinée dans ces habitations ouvrières, mais le tissu urbain a connu selon les quartiers des évolutions variées. Nous avons pu noter des situations subissant une pression foncière forte et une gentrification massive, comme Holt Town ou Charlestone. Ces quartiers sont ou ont été en grande partie démolis et reconstruit au profit d’une population plus aisée, souvent de manière moins dense. Cela est dû à leur proximité avec des aménités paysagères, souvent la présence de l’eau, permettant de valoriser des espaces publics et un cadre de vie nouveau. La gentrification de ces quartiers s’accompagne d’un exil des populations les plus démunies en marge de la métropole, accentuant la ségrégation spatiale que connaissent ces populations. La situation de Partington en est le témoin, créée suite aux politiques de slum clearence des années soixante. D’autres situations comme Langworthy ou Eccles, ont connu des modifications plus opportunistes et basculent progressivement dans des processus de renouvellement urbain, profitant de leur proximité et de leur connexion à des axes métropolitains. Moss Side brille de par son immuabilité. Une grande partie du quartier reste telle qu’elle a été livrée en 1900, en dehors de toute politique urbaine.

Pathfinder

Tabula rasa 

L’âge d’or de l’industrialisation a demandé un essor constant de la main-d’oeuvre. Pour ce faire, ville et industriels ont construit ensemble des quartiers entiers, à bas coûts, pour subvenir aux besoins d’hébergements de Cotonnopolis. Les logements construits, souvent dos à dos (Back to Back), étaient trop petits pour accueillir l’ouvrier et sa famille et leur organisation ne permettait pas d’assurer des conditions d’hygiène acceptables. Une première politique de démolition a eu lieu dans les années soixante, dites de «slum clearence», détruisant ces taudis ouvriers et interdisant par la même occasion de fabriquer le modèle dit Back to Back. Ces quartiers ont été reconstruits, suite à leur démolition, au profit d’habitations collectives. Ces dernières ont également été démolies au tournant des années 2000, trop stigmatisées par des années de ségrégations. Seuls les modèles construits plus tardivement au début du 20ème siècle persistent aujourd’hui, ces derniers proposant un accès au tout-à-l’égout, des logements traversants ainsi qu’un accès à des espaces extérieurs. Ils sont aujourd’hui menacés par la politique du Pathfinder, souhaitant renouveler la seconde couronne d’habitat de la ville. Un des objectifs de ce programme et de dédensifier ces quartiers, arguant «3 logements démolis pour 1 construit». La reconstruction de  ces emprises s’accompagne souvent d’une gentrification brutale et d’un exil des habitants.

1951-2019

La résilience des figures paysagères face à
l’extinction d’un modèle d’habitat

Nous avons choisi de nous concentrer sur le quartier de Moss Side pour montrer la pertinence que peut avoir une action localisée au sein de ces quartiers défavorisés hors des politiques urbaines. Sa construction historique laisse apparaître la place qu’elle prenait anciennement au sein d’un système bien plus large d’habitats ouvriers, démolis dans les années quatre-vingt-dix. En dehors de cette démolition massive, seuls des projets opportunistes ont pu se développer, profitant souvent de la libération de grands tènements fonciers comme le centre de dépôt de bus de la ville de Manchester ou l’ancien stade de football de la ville. De grandes figures paysagères structures les abords du quartier, ces propriétés anciennement exclusives à la couronne sont aujourd’hui de vraies attractivités métropolitaines, associées au sport, à l’événementiel ou à des équipements universitaires. On voit apparaître des plus petits espaces publics au coeur du quartier, créés ou plutôt issus de la démolition occasionnelle de terraced houses. Ces espaces offrent aujourd’hui des qualités certaines ainsi que des spécimens végétaux remarquables mais ils manquent d’un réel dessin et d’une relation qualitative avec l’existant.

Oportunités

Le déjà-là comme support d’une stratégie

L’inventaire des opportunités foncières souligne la diversité des espaces latents que contient le quartier de Moss Side. Cet inventaire révèle l’attention particulière que l’on porte au contexte afin de pouvoir y développer des interventions pertinentes, permettant de fédérer différents acteurs. Différents fonciers apparaissent comme pouvant porter une action immédiate. Nous avons fait le choix de laisser les éléments les plus facilement constructibles aux acteurs privés et nous choisissons de concentrer la réflexion sur des figures plus complexes, requestionnant les terrains issus de démolition et les limites entre propriété publique et privée. Ces situations permettent de développer des liens plus fort avec les acteurs déjà présents et permettent de jouir d’une diversité programmatique nécessaire au portage de nouveaux projets dans ces quartiers difficilement attractif. C’est ce qu’on appelle les singuliers, c’est l’exception au sein de la trame, là où il parait nécessaire de concentrer les efforts. D’autres fonciers apparaissent dans cet inventaire, plus épars, auxquels s’ajoute une certaine vacance au sein des terraced houses. Ces éléments, que nous appelons les communs, sont difficilement porteurs d’une stratégie globale mais ils peuvent ponctuellement amorcer une évolution d’îlots de maisons en bande. Il ne sont pas pour autant secondaires et sont au cœur de la mutation de ce quartier.

Plan de recoupement

Un dessein pour Moss Side

Les actions ponctuelles portées par ces singuliers permettent progressivement le renouvellement du quartier de Moss Side. Les micropolarités que l’on met en place viennent s’agréger autour de Claremont Road. Cet ancien axe commerçant au sein du quartier ouvrier avait perdu de son dynamisme et n’avait plus de rôle structurant. Nous proposons de lui redonner une place centrale, à travers la création d’une ligne de Bus et le retraitement de ces espaces publics. L’amélioration des connexions et le dynamisme nouveau, portés par les singuliers permettent de réactiver les rez-de-chaussée de ces rues, pouvant évoluer au grès des opportunités en lieux tertiaires. Depuis cet axe, des transversales sont mises en place afin de connecter le coeur du quartier aux structures paysagères voisines. Ces dernières permettent de requestionner ponctuellement la place du piéton et des mobilités douces au sein du quartier. Ces transversales sont liées à la mise en place des singuliers et sont valorisées par ces derniers, mais peuvent être mises en place préalablement. Ces interventions s’accompagnent de la mutation progressive des îlots de terraced houses, profitant des micro-opportunités foncières pour retraiter au cas par cas les problématiques d’insalubrité et générant des micros espaces publics au sein de ces tissus d’habitations denses. C’est l’action des communs. Elle est plus permissive, demandant moins de dessin et suit des prescriptions que nous avons détaillés dans le cadre de notre travail. Ces règles sont pensées comme un nouveau socle réglementaire spécifique à ce quartier permettant l’action en son sein et améliorant son attractivité.

Prescriptions

Des outils de projet pour intervenir à
toutes les échelles

Axe 1 : Restructuration des axes principaux. 

La première intervention est une requalification de Claremont road. L’objectif est de réaffirmer son rôle central dans l’organisation du quartier en y ajoutant entre autres une piste cyclable et une voie de bus. Cette place centrale est un rôle qu’elle a longtemps joué, en témoigne les typologies de maisons en bandes avec commerce en rez-de-chaussée dont aujourd’hui une partie non négligeable est fermée. Cette intervention vise à leur redonner un nouveau souffle et de créer le terreau nécessaire à l’implantation de divers programmes. Cette rue relie deux grands axes structurants à l’échelle de la métropole et vient être ponctuée de respirations qui viendront faire l’état de requalification. Dans un second temps d’autres axes dits « transversaux » seront, à leur tour, mis en valeur avec, notamment, l’ajout de piste cyclables. Ces derniers relieront Claremont road aux grandes figures végétales du quartier et traverseront notamment les singuliers. Ces deux interventions ont pour objectif de recréer un maillage à l’échelle du quartier de Moss Side et de le relier aux grandes figures et équipements marque du territoire. Ces restructurations sont aussi l’occasion d’amorcer une mutation dans le quartier en y ajoutant les infrastructures pour les mobilités douces, mais également de la végétation et des surfaces perméables.

Axe 2 : Requalification des espaces du quotidien

 

L’évolution du quartier a beaucoup changé depuis sa création au début du XXème siècle. La voiture puis la gestion des déchets ont tour à tour pris beaucoup de place au détriment du piéton et de ces usages qui ont aujourd’hui une place extrêmement résiduelle. Encore une fois, pour répondre à ces problématiques nous avons proposé plusieurs stratégies. La première action est la mise en place de « commun » dans des opportunités foncières : dent creuse ou une maison à vendre. Il s’agit d’un espace public de proximité, du quotidien. Concrètement il vient supporter la gestion des déchets, sous terre ou non, aérer le tissu pour redonner des qualités aux venelles arrière. Ils peuvent accueillir des aires de jeux, des espaces couverts ou tout autre aménagement utile aux habitants. La seconde action est la restructuration des rues ou une place plus importante est donnée à la végétation, mais aussi aux piétons. Chacune de ces voies passe à sens unique avec une bande perméable qui vient accueillir de la  végétation et repenser le stationnement. 

Axe 3 : Programme d’amélioration / renouvellement du bâti

Intervenir à l’échelle du foyer est indispensable pour répondre au plus près aux maux qui touchent ce quartier. Il apparaît alors essentiel de ne pas considérer ces maisons comme une bande, mais comme une multitude d’individualités : la terraced houses. Ces dernières qui ont plus d’une centaine d’années ne sont plus adaptées aux enjeux de notre époque aussi bien thermiquement, qu’à travers l’invariabilité des typologies où la place importante des poubelles et des voitures. Elles ont néanmoins de grandes qualités comme la densité : 80 logements par hectare, leur prix rapporté aux surfaces qu’elles proposent avec un extérieur. Notre action est une ébauche de règle qui permet à tout propriétaire, investisseur d’améliorer son habitat, fusionner des maisons, surélever, tout en servant de garde-fou pour perpétuer ce qui fait la beauté et la poésie de ce quartier.  Les règles urbaines ne sont pas homogènes sur tout le quartier, mais sont propres à chaque îlot et le référentiel est la maison historique. (Hauteur de cheminée, corniche, largeur… ). La nécessité de conserver un accès sur la ruelle arrière est affirmée afin de valoriser cette circulation au coeur de notre projet.

La création de ces stratégies nous a conduits à une nouvelle figure : l’îlot. En effet pour répondre à toutes ces problématiques cette forme urbaine, addition de deux bandes et d’une venelle, nous semble être l’échelle la plus appropriée pour répondre aux problématiques. Le nombre varie, mais elle correspond à une cinquantaine de maisons en moyenne. En fonction des opportunités, chacune des actions pourra être réalisée ensemble ou séparément. La figure finale conserve les qualités originelles du quartier comme sa densité, son aspect sériel tout en remettant le piéton et la végétation au cœur du quartier. Chacune des actions est complémentaire des autres, mais peut aussi être pensée séparément. Le résultat est une pièce urbaine très permissive permettant des interventions très ponctuelles tout en leur redonnant une unité autour d’une figure urbaine commune. Elle réaffirme l’appartenance et la fierté des habitants à leur rue, leur îlot et leur quartier.

Conclusion

Un urbanisme d’opportunité

Notre projet ce veut être la réponse à ces situations en dehors des politiques urbaines du Greater Manchester. Nous cherchons à montrer que l’opportunisme n’est pas une fatalité mais peut être une réelle stratégie portée aussi bien à l’échelle urbaine, qu’architecturale pour lutter contre la gentrification (pression foncière) massive que connait la seconde couronne de Manchester. Nous plaidons en faveur de processus alternatifs portés à plus petite échelle et permettant de répondre plus durablement au renouvellement urbain, tout en confortant les populations déjà en place et en initiant une mixité sociale. Nous sommes persuadés que l’échelle du quotidien peut être porteuse de l’innovation souhaitée à travers le décentrement des politiques initié à Manchester par le gouvernement Britannique, tout en initiant un nouveau regard bienfaisant sur ce patrimoine méconnu de la période industrielle, les terraced houses. Nous souhaitons avant tout révéler le potentiel qu’abrite ces situations oubliées, et le formidable horizon des possibles qu’elles peuvent accueillir. Nous sommes convaincus que dans des contextes opérationnels toujours plus complexes, nos professions doivent se positionner pour faire projet sur tous les territoires, quels que soient les acteurs, ou les moyens mis à disposition pour ce dernier.

 

Pour découvrir les singuliers développés individuellement parcourrez la carte. Chaque bouton renvoie vers un lien du projet situé. 

La Fabrique Populaire

NEUVILLE Maxime

#4 Great Western Park

Présentation du Site

Le quatrième singulier que nous développons dans le cadre de notre stratégie commune se situe au Nord de Moss Side.

Il a la particularité d'être occupé par une ancienne Warehouse construite au début du 20ème siècle, dont la production, comme bien des entreprises mancuniennes, était le textile. Ce bâtiment a connu de multiples transformations. L'aile Ouest est aujourd'hui occupée par une Mosquée alors que l'aile Est reste en friche. Un grand parc la borde, issu de la démolition de terraced houses (maisons en bandes de la période industrielle) dans les années 60 pour des questions d'insalubrité ou suite à un incendie. Néanmoins, ce parc est plus un élément subi, issu de ces démolitions, qu'un réel atout urbain, pensé comme tel. Le rapport qu'il entretient avec le contexte proche en porte les stigmates, deux bandes de maisons se retrouvant aujourd’hui orphelines de leur moitié. Leur façade arrière, la plus intime, est ainsi exposée directement sur l'espace public. Par la suite, des jardins ouvriers se sont installés au nord de ce parc, mais ils résultent plus d'une occupation spontanée que d'une réelle volonté institutionnelle d'implanter de nouveaux usages dans l'espace public. Un axe Nord-Sud bordait précédemment ce parc à l'Est mais fut bouché dans les années 90 par un projet de logements en gated communities (ensemble d'habitations en copropriété fermée). Une dent creuse, issue de la démolition de deux terraced houses est également visible au sud d'une bande. Après avoir été en friche pendant de nombreuses années, elle est aujourd'hui aménagée en jardin communautaire, même si son ouverture sur le quartier laisse de nombreux doutes quant à son dessein.

Les enjeux sont donc multiples sur ce site, touchant aussi bien à la qualité de l'espace public et des usages pouvant y prendre place ; à la question du petit patrimoine industriel et de son héritage au sein de quartiers précaires ou encore à l'intervention moderne ponctuelle au sein du tissu de terraced houses. C'est ce à quoi nous allons essayer de répondre dans ce projet.

fig. 1 : Vues aériennes du site

fig. 2 : Construction historique du site

fig. 3 : Photographies des lieux

Projet Urbain

La complexité du site et des maux le touchant implique des réponses multiples, faisant échos à la difficulté d’agir que nous avons pu observer lors de notre stratégie.

Premièrement, nous recréons un cheminement doux à l’Est du site, à l’emplacement de l’ancienne voirie, permettant de relier l’axe de Claremont Road au parc de Whitworth, figure paysagère emblématique du quartier présente au nord du site. Ce nouveau tracé urbain s’adapte aux opportunités foncières et amorce de nouvelles habitudes de déplacement au sein de Moss Side.

Deuxièmement, nous proposons une restructuration de la Warehouse existante afin de l’ouvrir à son contexte et de l’associer au parc la bordant. Pour cela, un nouveau parvis minéral est créé en lieu et place de l’ancienne cour industrielle du bâtiment jusqu’au sein du Parc. Celui-ci marque durablement l’importance de ce bâtiment pour l’ancienne communauté ouvrière de ce quartier et son caractère public. Persuadés de la durabilité de cet édifice, nous proposons un processus de restauration de ce dernier en plusieurs phases, à nos yeux plus souple vis-à-vis du futur incertain que connait notre monde actuel. Ce dernier prend la forme d’un échafaudage pérenne englobant à terme le bâtiment et permettant sa mise aux normes ainsi que son accessibilité au public, quel que soit le programme l’occupant, aujourd’hui comme demain. Ce projet réalisé en partie par des fonds publics serait également soutenu par la Mosquée Al Furquan occupant aujourd’hui la moitié du bâtiment et nécessitant une extension à plus ou moins court terme.

Troisièmement, un programme de résidence étudiante est proposé au sein de la dent creuse au nord du parc. Ce programme se veut être un exemple d’entente entre le CLT (Communuty Land Trust) et investisseur privé. C’est par ce dialogue que cette parcelle, aujourd’hui vue comme un délaissé urbain peut redevenir attractive, aussi bien pour de nouveaux habitants que pour la population déjà présente au sein du quartier. Le bâtiment profite d’un assouplissement de contraintes urbaines (densité, franchissement au-dessus de la ruelle) et en contre partie cherche à résoudre les problèmes inhérents au système de terraced houses tout en offrant des lieux de rassemblement à l’échelle du voisinage. Le programme joue ainsi entre respect des règles établies de ce système centenaire et regard moderne sur la densité et le commun. Il amorce une diversification des modèles d’habitats présents au sein du quartier, souhaité dans le cadre de notre stratégie urbaine.

Pour finir, une dernière intervention est prévue, plus modeste, ayant pour but de recréer le statut de ruelle pour les deux bandes de terraced houses ayant souffert de la démolition de leur moitié voisine. Cette dernière prend deux formes différentes, celle de la création de cabanons de jardins au nord, associée à la pratique des jardins ouvriers et pouvant être construits avec le réemploi d’éléments issus de la démolition d'habitations vétustes ; et celle de la création de deux préaux urbains au sud du parc, construits avec des éléments déposés lors de la rénovation de la Warehouse.

fig. 4 : Axonométrie éclaté du projet urbain

fig. 5 : Vue depuis le parc, à gauche l'un des deux préaux urbain, à droite la résidence étudiante, face à vous la Warehouse réhabilitée.

fig. 6 : Plan des Rez-de-Chaussée - Existant et Démolition / Projet

Warehouse

La Warehouse (usine / entrepôt de la période industrielle), élément récurent au sein du patrimoine industriel de Manchesteter, est un édifice dont on peut aujourd'hui apprendre de nombreuses choses. Son système constructif composé de murs porteurs en briques et d’un système mixte de poteaux en fonte et de poutres en bois permet une grande mixité des fonctions et offre de soutenir des charges conséquentes (initialement prévue pour du stockage industriel). Néanmoins, ces bâtiments datant de l’apogée industrielle, doivent se confronter aujourd’hui à des contraintes réglementaires d’accessibilité, de thermique ou de résistance au feu leur demandant de questionner en profondeur leur organisation.

À cette complexité réglementaire moderne, s’ajoute une contrainte spécifique à notre situation de projet. Le projet est en partie occupé par une mosquée et cet usage doit être maintenu lors du chantier. De plus, si la restitution de ce patrimoine industriel au quartier parait évidente, les programmes pouvant y prendre part ne pourront pas forcément arriver tous au même moment et vont certainement devoir évoluer dans le temps. Les portages financiers seront complexes et vont demander un étalement dans le temps des investissements qui semblent de prime abord contraire à la restructuration d’un ensemble patrimonial comme celui-ci.

Et si la nécessité de planifier ce projet devenait l’élément fondateur de ce dernier ? Et si, plutôt que de chercher à complexifier la rationalité de ces plans libres par un assemblage savant de circulations verticales indépendantes et autonomes, on les externalisait en dehors de l’édifice ? La figure du chantier et de l’échafaudage apparait alors comme une évidence. Ce projet illustre le renouveau de Moss Side, l’action tant attendue au sein de ces quartiers monotones de maisons en bande. Il célébrera l’acte de construire, la fabrique collective de la ville par et pour ses habitants. Il ne sera que chantier. Un chantier de 100 ans pour un bâtiment centenaire et peut-être encore plus.

Ce n’est plus un projet que l’on propose, mais un processus. Un processus de rénovation pour ce bâtiment emblématique générant une trame au sein de laquelle un futur non binaire peut prendre place. Il prend la forme d’un échafaudage réalisé en structure métallique dont l’assemblage permet d’accueillir les circulations verticales des différents programmes venant s’implanter à terme au sein du bâtiment. Sa largeur permet aussi bien d’installer un escalier à double volée qu’une circulation plus douce longeant ses façades chargées d’histoire. Il s’accompagne de l’ajout d’un ascenseur au sein de la cour intérieure du projet, libéré par ailleurs de toute construction, et permettant de desservir les deux ailes du bâtiment et de servir de rotule entre tous les programmes. A contrario de cet effort structurel, nécessaire pour penser une réhabilitation sur le long terme du bâtiment, les intérieurs sont pensés de manière à faciliter la réversibilité des usages. La structure existante est en grande partie conservée, seulement renforcée occasionnellement quand cela est nécessaire. La seule intervention conséquente sur cette dernière se situe au RDC Est du projet, où une nouvelle structure remplace celle existante afin de pouvoir ouvrir le projet de plain-pied sur ses abords. À l’intérieur, de simples boites en ossatures bois sont construites, les chambres, fabriquant une double peau au sein du bâtiment pour abriter les nouveaux usages.

Ce projet-processus amène à réfléchir sur la manière d’intervenir sur le petit patrimoine que nous côtoyons au quotidien et sur la nécessité de penser toute intervention comme un investissement sur le long terme. Nous avons sans doute plus construit que nous ne construirons jamais, tâchons de pouvoir transmettre des éléments aussi adaptables et riches spatialement que ce que nous lègue la Warehouse aujourd’hui.

Une poétique de l'ajout

fig. 7 : Photographies de l'existant

fig. 8 : Axonométrie éclatée du projet sur la Warehouse

L'enjeu de la structure

Le système structurel mixte bois / fonte présent dans la Warehouse est très permissif dans le cadre d’une réhabilitation. Ce dernier génère de grands plans libres où les poteaux de faibles sections tendent à disparaitre. Les murs sur lesquels s’appuient cette structure traduisent la pérennité de cet ouvrage, un appareillage de trois briques de largeur portant cette maçonnerie à près de 70 cm d’épaisseur. Au-delà de l’effort de mise en œuvre qu’elle traduit, cette façade est largement percée et offre une qualité d’usage à l’intérieur de l’édifice très appréciable.

Néanmoins, plusieurs problèmes apparaissent afin de pérenniser cette structure. Les poteaux en fontes offrent une trop faible résistance au feu et comme la dépose de ces éléments apparait absurde, nous proposons simplement de couler un béton maigre à l’intérieur de ces derniers afin de pallier à cette lacune. Le réseau de poutres en bois présent dans l’édifice permet encore de porter des charges d’usages modernes, et peut facilement être renforcé ponctuellement. Toutefois, la perspective d’insérer au sein de cette structure des circulations verticales correspondant aux usages futurs du bâtiment et aux normes leur étant associées pose question. C’est pourquoi, plutôt que de la remettre en question nous proposons d’externaliser cette nécessité programmatique en dehors du bâtiment et de la transformer en une promenade extérieure exceptionnelle le long de cette épaisse façade de briques.

fig. 9 : Principe structurel interne

fig. 10 : Axonométrie plafonnante de l'échafaudage

Un Chantier Continu

Etat des lieux

La Warehouse témoigne aujourd'hui de son passif industriel. C'est un bâtiment introverti offrant peu de relations avec le parc le bordant. Elle nécessite donc d'être repensée. L'aile Ouest occupée par une mosquée est aujourd'hui exsangue et s'est vue refuser une demande d'extension par la mairie. L'aile Est est inoccupée depuis de nombreuses années et la cour technique lui étant associée n'a plus d'usage aujourd’hui. C'est par cette cour et cette façade Est que peut commencer un nouveau dialogue entre la Warehouse et son contexte, par la création d'un nouvel adressage sur l'espace public voisin.

Temps 1

Le premier temps consiste à intervenir à l'Est de l'actuelle Warehouse, sur la partie aujourd'hui en friche. Un espace public est créé en lieu et place de l'ancienne cour de livraison et se prolonge jusque dans le parc voisin. Un premier travail d'ouverture du bâtiment sur ses abords est réalisé avec la création d'une halle non-chauffée et l'ouverture d'une partie du projet sur le RDC par la création d'arcades et la fusion du niveau demi-enterré et du R+1.
La première phase de l'échafaudage est réalisée, offrant un couvert à l'espace public nouvellement créé et installant un escalier extérieur permettant de desservir selon les normes actuelles les niveaux aujourd'hui inoccupés. Ces derniers peuvent être occupés de manière temporaire en attendant la seconde phase du projet. Un salle de réception communautaire est créée dans la tête du bâtiment, permettant aux habitants du quartier de profiter de ce lieu pour la réalisation de certains événements. Un ascenseur est ajouté au sein de la cour du bâtiment, permettant de desservir facilement les différents programmes présents et à venir.

Temps 2

La structure de l'échafaudage s'étend sur le reste du bâtiment alors sans usage. Elle permet d'y implanter une grande salle modulable pouvant accueillir diverses activités pour le quartier. Une salle des fêtes et créée au dernier niveau, dont la hauteur est réhaussée par la création d'une nouvelle toiture sous l'exosquelette.
La halle non-chauffée au RDC est pérennisée et devient un espace clos pouvant accueillir divers évènements au sein d'un volume double hauteur. L'échafaudage permet de desservir une mezzanine donnant sur cette dernière. Les deux salles nouvellement créées peuvent se substituer à la salle de prière actuelle de la mosquée lors de la réalisation du temps trois du chantier.

Les éléments de structures déposés au sein de l'aile Est du bâtiment (poteaux en fonte et poutres en bois) sont réemployés pour créer un préau bordant le parc sur le sud. Ce dernier permet de recréer une distance offrant de l'intimité aux terraced houses aujourd'hui directement exposées sur l'espace public suite à la démolition de leur moitié voisine.

Temps 3

L'échafaudage atteint sa taille finale. Il permet de couvrir la partie de l'actuelle mosquée lors de sa restructuration. Une terrasse est créée sur le dernier niveau de l'aile ouest prolongeant la salle des fêtes par un extérieur couvert. S'y ajoute une cuisine traiteur et un bar pouvant servir à la réalisation de divers évènements en lien avec ces deux espaces.

Les R+1 de chaque bâtiment sont reliés autour de la cour interne du bâtiment, permettant de mettre en commun les salles accessibles aux habitants du quartier et celles nécessaires à la mosquée pour les études coraniques ou les diverses formations qu'elle propose.

fig. 11 : Axonométrie temporelle de l'intervention urbaine

Temps 4

Et après ?
La structure échafaudage créée permet de nombreuses évolutions du bâtiment. De nouvelles circulations verticales peuvent venir s'y implanter afin de desservir de nouveaux espaces si le programme demande à se fragmenter.
Le parvis créé à l'Est ainsi que la terrasse à l'ouest offrent comme des vides complétant des parties du programme pouvant à terme être construits. En effet, l'exosquelette permet simplement l'ajout d'une boite sous la toiture pour l'un, ou la création d'un réseau de poutres pour l'autre.
La toiture, par sa rationalité constructive, permet facilement de remplacer les tôles ondulées par des éléments translucides en polycarbonate offrant de nouvelles possibilités d'apport de lumière aux derniers niveaux de la Warehouse, libérée de son toit.
Le bâtiment continuera d'évoluer, il est non figé et la structure périphérique sera le support des nouveaux ajouts ou mutations programmatiques.

La coupe Longitudinale et les plans ci-après présentent la Warehouse au temps 3 après la restructuration de l'aile Est, aujourd’hui en friche, et de la mosquée occupant actuellement la partie Ouest du bâtiment. Ils montrent à chaque fois deux états du bâtiment : un premier montrant l'état existant du bâtiment suivi de la réalisation projetée sur l'édifice une fois démolition effectuée. Les façades, elles, retranscrivent l'évolution que pourrait connaître ce bâtiment à travers la réalisation de cet échafaudage.

fig. 11 : Coupe Longitudinale

fig. 12 : Plans de niveaux

fig. 13 : Façades des évolutions permises par l'exosquelette

fig. 14 : Zoom sur la salle de réception

R+1 // Salle de réception

La salle de réception est un des premiers programmes s’installant au sein de l’aile Est de la Warehouse. La tête de l’ancienne usine est aménagée en double hauteur, le plancher du R+2 étant déposé afin de laisser apparaître toute la structure de poteaux en fonte et de poutres en bois.

Une simple cuisine / bar annexe est créée/crée au sein de ce lieu, seul espace isolé construit lors de cette phase. Ce dernier peut s’ouvrir et se fermer par un système de rideau métallique lorsque la salle n’est pas utilisée.

La salle ainsi créée permet, dès le premier temps, d’offrir un lieu d’envergure aux habitants de Moss Side, depuis lequel ils peuvent avoir une vue panoramique sur le quartier et réapprendre progressivement à l’aimer. En n’intervenant pas sur l’intérieur de la salle, c’est également l’apprentissage d’un héritage que l’on permet, révélant les matériaux et les systèmes constructifs qui lui sont inhérents.




Photographies d'époques et actuelles de Warehouses mancuniennes

Refunctionalization of the Marconetti Ex-Mill
Subsecretaría de Obras de Arquitectura / Gobierno de Santa Fe

fig. 15 : Zoom sur le salon ouest et la coursive distribuant les chambres crées dans l'existant

R+1 // Chambres et Salons

Un dialogue né entre la structure externe mise en place par le projet et la structure historique de la Warehouse conservée dans la quasi-totalité du bâtiment. La première, moderne, est le support des nouvelles circulations verticales et permet d'offrir un couvert protégeant cet édifice patrimonial. L'autre permet d'accueillir de nouveaux programmes, facilement mutables.

Le R+1 du projet correspondant à la réunion des salles nécessaires au centre islamique et de locaux mis à disposition des habitants du quartier est symptomatique de la relation entre ces deux structures. Différents accès externes permettent d'accéder à ce niveau, directement depuis l'extérieur ou depuis des niveaux inférieurs. Ces accès débouchent sur des salons, au nombre de trois au sein de cet étage. Ces espaces donnent à voir la Warehouse dans son apparence d'origine, révélant à l'usager l'histoire de ce lieu, y compris depuis l'intérieur. Ces salons sont reliés entre eux par un déambulatoire, lui aussi conservé dans ses attributs originaux et desservant différentes boites programmatiques réparties sur la périphérie du bâtiment.

Ces dernières sont construites en ossature bois et viennent fabriquer de nouveaux sous-espaces, abrités au sein des murs épais de la Warehouse. De facture simple et peu onéreuse, ils sont facilement démontables ou modifiables, si les usages viennent à évoluer au sein du bâtiment. Ils accueillent des salles de cours pour le centre islamique ou des salles d'activités pour les associations de quartier.

Ces boites programmatiques, ce sont les chambres. Elles s'opposent aux salons, offrant des usages moins organisés (salle de réunion, de travail, coin repos) ou peuvent servir d'espaces d'attente aux espaces partagés par plusieurs acteurs.

GBAU // NOMOS // CARMODY GROARKE

fig. 16 : Zoom sur le salon ouest et la coursive distribuant les chambres crées dans l'existant

RDC et R-1 // Salles de Prière

Le programme de la mosquée implique un fonctionnement spécifique lié à la pratique de l'islam. La restructuration du bâtiment permet enfin d'exercer dans des conditions dignes, là où le bâtiment actuel oblige une pratique de la prière éclatée dans plusieurs salles et implique une promiscuité entre les pratiquants.

Hommes et femmes se séparent après être entrés par la même porte, pour pratiquer leurs ablutions respectives à deux niveaux différents, rituel nécessaire avant la réalisation de la prière. La séparation des hommes et des femmes étant demandée dans les Saintes Écritures, nous avons donc pris au mot cette demande afin de réaliser une avancée sociale. Grâce à la création d’une mezzanine sur la salle de prière, les femmes peuvent enfin assister aux mêmes surates que les hommes, sans pour autant perturber la procédure de la prière. La salle de prière devient ainsi double hauteur et se structure sur une cour nouvellement créée, rappelant celle de la mosquée du prophète et par laquelle on quitte le lieu de prière pour ressortir dans le quartier par le Sud du bâtiment. La mezzanine se termine par une assise permettant une vue plongeante sur le niveau inférieur depuis lequel l’imam fait sa prédication et permet aux plus âgées de suivre quand même la prière.

Si l’usage de la mosquée est mis au cœur de la restructuration de cette partie du bâtiment, elle ne le fige pas néanmoins dans ce seul usage. Bien que créant une double hauteur, nous conservons les poutres existantes afin de pouvoir revenir construire un niveau complet si l’usage évolue. De la même manière, les ouvertures donnant sur la cour respectent un découpage par niveau et ne cherchent pas à fusionner les deux étages. Ainsi la double hauteur pertinente dans le cadre de la salle de prière et sa mezzanine pourra persister ou disparaître plus tard.

Amr ibn al-As - Le caire // Conditions actuelles Al Furquan Moss Side

PERS_RDC MOSPERS_RDC Projet MOS

fig. 17 : Interventions sur le RDC

Un nouveau rapport à la rue

Façade Nord, Avant - Après

Arcades créées en lieu et place des percements existants, générant un nouveau sol de plain-pied avec la rue.

Au R+1, la salle de réception jouant d'une double hauteur au sein de la structure existante.

Un jeu de grilles coulissantes, rappelant les pare-pierres initialement présents sur la façade permet de privatiser le RDC du bâtiment lors d'évènements liés à la Salle multi-activités nouvellement créée. Ainsi spectacles d'écoles, concerts payants ou encore réunions d'entreprises peuvent profiter de cet espace comme bon leur semble. En dehors de ces occupations temporaires, ce dernier est offert aux habitants du quartier qui peuvent librement le traverser ou s'y retrouver dans le cadre de brocantes ou de marchés périodiques.

Perpétuer l'ajout

fig. 18 : Coursive distributive du R+1

Une histoire, des histoires

Vue depuis le déambulatoire du R+1 desservant les chambres programmatiques en bois, ramenées en périphérie du bâtiment.

Le plancher existant est conservé après sablage, seul le plafond est recouvert par une plaque d'OSB suite à l'isolation entre les poutres existantes.

Les fenêtres existantes sont conservées dans la circulation. Une planche en bois y est fixée afin d'offrir une assise.

Au fond, le Salon Sud donnant sur les terrains de sport bordant le projet.

fig. 19 : Rapport entre existant et projet

L'entre deux

Derrière l'apparente répétition des percements au sein de l'édifice existant, se cache un grand nombre de différences qui engendrerait des coûts considérables si l'on devait ajuster les nouvelles ouvertures avec celles existantes. Dans un souci de rationalité du projet, nous avons choisi de mettre en oeuvre seulement trois types de fenêtres permettant de couvrir l'entière variété des ouvertures du bâtiment existant.


La pose de ces dernières génère un entre-deux entre la Warehouse et les chambres nouvellement créées. Elles donnent à voir un petit peu du bâtiment initial tout en apportant de nouvelles qualités d'usages aux intérieurs (grands ouvrants permettant la ventilation naturelle). L'emploi systématique des mêmes modèles permet également leur réemploi au sein du bâtiment si l'on vient à faire évoluer les différentes chambres créées ou si l'on venait à clore un des salons créés.

fig. 20 : Terrasse crée sur la toiture de l'aile ouest

L'attente

La terrasse proposée dans le cadre du projet est bien plus qu'un simple élément attendant d'être construit par la suite. Elle offre un regard nouveau à l'habitant de Moss Side sur ce quartier qu'il [mé]connait si bien. Il permet de porter un regard d'ensemble sur cette communauté aujourd'hui marginalisée, mais depuis laquelle un sentiment d'appartenance transparait toujours. Sentiment d’appartenance que nous ne doutons pas de transformer en fierté "d'être de" à travers notre projet urbain.

Une maille métallique facilement amovible est fixée sur cette structure et dans le mur actuel de la Warehouse, permettant d’ouvrir grandement sur le paysage tout en assurant la sécurité des usagers. La toiture dans sa configuration actuelle laisse passer la lumière sur cet espace extérieur, mais peut facilement évoluer par la suite.

Retrouver la fierté d'appartenance au quartier

Imaginaire - Warehouse

Le Préau

fig. 21 : Préaux auto-construits

Un réemploi participatif

La création du préau au sud du parc résulte de deux éléments : la nécessité de recréer une intimité à la ruelle arrière de ces terraced houses aujourd'hui exposées directement sur l'espace public et la possibilité de réemployer des éléments de bonne facture issus du chantier de réhabilitation de la Warehouse (poteaux en fonte, poutres en bois). Cette démarche pourrait être portée par le CLT dans le cadre d'un chantier participatif impliquant les habitants dans cette action vertueuse d’améliorer leur contexte quotidien.

Cette architecture se décompose ainsi en deux éléments bordant le parc, un premier à l'ouest le long du nouvel espace public minéral créé et un second longeant le city stade à l'Est du site. Ces deux éléments peuvent accueillir à leurs extrémités des locaux plus fermés, donnant sur la ruelle et permettant d'assurer la gestion des déchets pour les habitations voisines.

Le projet né de trois travées de poteaux en fonte dont les deux hauteurs variables permettent de créer facilement une toiture en pente reposant sur les poutres en bois de l'ancienne Warehouse. Le reste des éléments est constitué de chevrons de sections usuelles et de tôles en acier nervurées contreventées par des câbles en acier permettant une mise en oeuvre simple et peu onéreuse de cette construction légère. Un jeu de socles en béton est mis en œuvre sur la dernière travée, profitant du manque de hauteur de certains poteaux pour animer l'espace public.

État existant de la venelle donnant sur le parc

La résidence étudiante

La résidence étudiante oscille entre respect des règles établies par le système de terraced houses et regard moderne sur ce site afin d’offrir au programme et au contexte des qualités nouvelles. Ainsi elle se plie à la largeur étroite de ce site (environ 5m) complexifiant la mise en œuvre de circulations verticales pour un projet de logements partagés. Afin de profiter au maximum des parcelles disponibles, elles sont reliées entre elles afin de pouvoir mettre en commun leurs escaliers et ne former plus qu’une seule résidence reliant les deux rues. Toujours dans une démarche vertueuse vis-à-vis du contexte, la passerelle ainsi créée permet de marquer l’entrée au cœur de l'ilot-venelle et est traitée avec une structure métallique et une maille limitant au maximum l’effet de masque visuel et solaire du projet. Le RDC est constitué des parties communes de la résidence (atelier, cuisine, local vélos) et d’éléments partagés à l’échelle de l’ilot (placette, local poubelle collectif). La placette générée au commencement de la venelle est ainsi animée par la résidence, mais ouverte au voisinage.

Afin de pouvoir atteindre une jauge attractive pour un investisseur, l’édifice émerge en R+3, accueillant ainsi 10 chambres étudiantes de 9m². C’est également la hauteur maximale pour pouvoir construire sans intégrer un ascenseur au bâtiment, ce qui au vu de la taille de la parcelle serait hors d’échelle. En contrepartie de cette dérogation sur la hauteur, les passerelles sont ouvertes aux voisins et terminent sur une terrasse partagée, donnant sur les toits des terraced houses.

Depuis les passerelles, les étudiants peuvent accéder à un réseau d’espaces partagés aux volumes variés donnant sur la ruelle et rappelant le backyard originel. Ces espaces en plus, alloués aux étudiants, servent selon les niveaux, de salle à manger, de salle de travail, de coin lecture ou encore de salon commun. D’une écriture et d’un équipement frugaux (seulement un meuble intégrant des rangements et un point d’eau) ils permettent une grande appropriation de la part des occupants et peuvent s’ouvrir entièrement grâce à la façade rideau les séparant de l’extérieur.

Les chambres sont accessibles depuis ces espaces communs, respectivement orientés Est et Ouest sur les deux parties du projet. Elles sont aux nombres de deux par étages et partagent ensemble une salle de bain et un sanitaire. L’étroitesse de la chambre ( 2m 12 de largeur finit) a demandé un dessin précis des éléments de mobilier lié à la vie estudiantine. Ainsi un premier meuble accueille, l’étudiant dans son logement et lui offre une assise, des rangements, une penderie et un point d’eau. Le lit devient un meuble ramené contre la façade, permettant ainsi de libérer un espace central à la chambre que l’étudiant pourra occuper librement. Ce meuble permet ainsi d’intégrer le bureau, depuis lequel il est possible de travailler sans pour autant voir son couchage.

Cet élément vient se déformer au contact de la façade et propose différents usages à l’occupant. L’allège d’une fenêtre devient ainsi la table de nuit tandis que l’épaisseur de la façade génère un balcon, que l’on peut utiliser en étant assis sur le lit. L’animation de cette façade fait écho à la bow-window historique de ce quartier, pensé comme un lieu de mise en scène du logement dans l’espace public.

La résidence réinterprète sur rue les registres constructifs des terraced houses, en s’élevant avec des prémurs en béton teinté dans la masse avec la couleur caractéristique des briques du quartier. Les menuiseries bois sur-ajoutées à ce système sont tour à tour fenêtre enchâssée dans le mur (la table de nuit) ou remplissage entre deux niveaux (le balcon). Les portées à l’intérieur sont réalisées par des poutres en bois, la faible largeur des parcelles étant originellement optimisée pour permettre ces portées. Le registre sur venelle se veut plus moderne marquant le renouveau de cet ancien arrière délaissé et valorisant les parties communes et publiques. Les façades rideaux générées ainsi que la passerelle et la terrasse sont construits par l’assemblage d’éléments métalliques, permettant de faibles coûts et affinant au maximum les éléments porteurs.

Ce programme est pensé comme un exemple d’entente vertueuse entre un investisseur privé et le CLT que nous souhaitons mettre en place dans le cadre de notre stratégie urbaine pour diriger le quartier.

fig. 21 : Insertion du bâtiment dans son contexte

fig. 22 : Plans de niveaux

fig. 23 : Coupe longitudinale

fig. 24 : Façade sur Parc

fig. 25 : Façades sur rue

Usages et adaptabilités des cellules et des parties communes

fig. 26 : Aménagement des cellules et des parties communes

Imaginaire - Résidence étudiante

“ Trente ou quarante manufactures s’élèvent au sommet des collines. […] Autour d’elles ont été semées comme au gré des volontés les chétives demeures du pauvre.”

– Alexis de Tocqueville –

“ Lorsque ces liens se rompent et que la communauté cesse d'être consciente de son unité intime au sein d'un ordre dont elle est gardienne et responsable, les "nous" qui la composent ne sont plus qu'un essaim de "moi affairés, et les rapports d'allégeance sont alors incapables d'empêcher la désintégration des communautés urbaines. ”

– Lewis Mumford–