Dans notre société actuelle, les questions autour de l’alimentation et de la production alimentaires deviennent de plus en plus importantes et nécessaires. L’Agora vient ici répondre aux problématiques contemporaines autour des chaînes de productions alimentaires en vigueur, et notamment le circuit de la viande.
Dans le contexte de l’abattoir, et la transformation de la viande, qui nous intéresse ici, l’ouvrier est peu à peu devenu un outil au même titre que les autres, subissant ainsi la “mécanisation” de son propre corps dans cet environnement industriel. C’est ce constat que décrit Karl Marx en 1849 dans Wage Labour & Capital. Le rythme qui s’opère, subit par la rentabilité et le taux imposé, oblige les travailleurs à subir cette banalisation de la mort. A l’image de toute industrie, tout est compté et optimisé afin de toujours être plus productif et donc plus rentable aux dépens des travailleurs et par extension des animaux. Pour cela les ouvriers, sont totalement coupé du monde extérieur, n’ayant aucune ouverture vers ce dernier; perdant ainsi toute notion du temps, favorisant ainsi sa cadence de production. L’abattoir est vu comme quelque chose de sale, morbide, c’est pourquoi un processus de “dissimulation” les a rejetés en dehors des villes depuis le décret de 1807, de Napoléon. En venant ainsi cacher ces lieux, l’objectif était de “rendre l’inacceptable acceptable”. Cette distanciation des villes, de toute urbanité, des habitants environnants, mais également au sein de l’abattoir lui même a également joué sur son architecture, faisant de ces lieux des bâtiments étanches totalement refermés sur eux-mêmes.
Le projet architectural vient remettre en cause le principe donc de dissimulation et de distanciation qu’ont pu subir ces métiers de bouche afin de tenter de résoudre, du moins partiellement, les problèmes de ségrégations de ces industries. Ceci vient être réalisé grâce à une plus grande transparence, et ce en plusieurs points, dans le but de réduire la souffrance des travailleurs, ainsi que la souffrance des animaux si l’on suppose que les deux puissent être liés. Cela vient donc impliquer une réorganisation complète d’un système en place, de la structure, du travail ainsi que des espaces.
Chaque fois qu’un travail est considéré comme moralement et physiquement répulsif par la grande majorité de la société, il est séquestré plutôt qu’éliminé ou transformé. Ici, au contraire, l’espace de transformation de la viande s’invite sur une grande dalle publique et piétonne. La clé passe par l’éducation du consommateur. L’important est de venir recréer le lien entre la production agricole et ce qui se trouve dans l’assiette des citoyens. Pour cela cet atelier de transformation vient s’installer sur le socle public au rez-de-chaussée. Ce bloc en béton vient s’ancrer sur cet espace urbain, là où actuellement il ne s’agit que d’une boite d’acier fermée excentrée de nos centres-villes.