BAIGNADE SAUVAGE

Renaud MANZI

Le développement de Weston Point est le résultat de projets successifs de canaux, de docks, creusés puis parfois rebouchés, de l’industrie du sel et de la pierre ainsi qu’un paternalisme associé. Déjà, avant la construction du Manchester Ship Canal, les administrateurs de la River Weaver Navigation Company construisaient une église ainsi qu’une école sur ces bouts de terres artificiels afin d’accueillir son personnel ouvrier, plus tard rejoint ponctuellement par les équipages qui transitaient le long du MSC. Depuis toujours, les Weston Pointers ont vécu en cohabitation avec l’activité industrielle et les berges du canal sur un site remarquable. La singularité de ce lieu s’écrit notamment dans son rapport au paysage et la sauvagerie qu’il s’en dégage. On peut voir, que l’on côtoie, d’une part à l’est, la monumentalité et l’activité de l’industrie, de l’autre à l’ouest, la taille démesurée des paquebots qui transitent sans s’arrêter, l’estuaire de la Mersey ainsi que les grandes horizontalités du paysage lointain.

 

Figure 1 : Weston Point ,1950

Figure 2 : Weston Point, Aujourd'hui

Il y a encore quelques dizaines d’années les berges étaient un lieu de rassemblement pour la prière ou la balade dominical ou encore pour profiter des belles journées de vacances en se baignant dans le canal le long des industries salines. En bout de parcelle, la digue du canal plonge progressivement dans l’eau créant une plage sauvage ou les enfants jouaient avec les vagues générés par les paquebots en mouvement.

 

 

Cependant, depuis 20 ans environ, les habitants sont totalement déconnectés de ce lieu privilégié par ce que certains anciens Weston Pointer appellent la malédiction de « Health and Safely ». L’évolution des normes en termes d’hygiène et de sécurité ont obligés les propriétaires à réserver exclusivement ces terrains pour l’activité industrielle.

Aujourd’hui en déclin, cette activité cherche à se renouveler. Le projet tente de s’adresser à deux échelles différentes.

Figure 3 : Christ Church

Figure 4 : Stoney Beach, 1959

Figure 5 : Stoney Beach, 1969

A l’échelle du Quartier, l’accès redonné par la passerelle permet aux Weston Pointer de renouer avec ce site singulier et ces usages initiaux. Les interventions se veulent minimes et tendent à conserver l’esprit du lieu. De ce fait, le résultat de ces actions n’aboutis pas au dessin d’un parc mais consiste plutôt à une revalorisation de certaines situations paysagères. 

 

Du Sud au Nord :

“Stoney Beach”, l’ancienne plage sauvage au décor invraisemblable (mythique) est débarrassée des déchets qui se sont échoués depuis plusieurs années, des ronces et de la végétation dense s’y est installé. Le mur de pierre, auquel la plage doit son surnom est déverdis pour le révéler, sans pour autant proscrire le retour d’une végétation naissante.

Les dalles béton et le cheminement qu’elles créent dans la longueur sont conservés et desservent des espaces déjà enherbés. Les terres excavées liées aux travaux de la phytoépuration sont entreposées au sud de telle sorte qu’elles fabriquent deux talus, orientés sur le paysage. Ils créent une micro-topographie accompagnés d’arbres, qui évolue dans le temps, façonnée par les usages, le climat, et la végétation.

La grande dalle existante est utilisée pour accueillir divers types de manifestations, projections de film, concerts, festivals. Un mur écran de la même hauteur que les bains est érigé et s’accompagne d’une scénette démontable qui se range à l’arrière avec le matériel. 

Enfin, l’église est restaurée, les sols sableux alentours sont retravaillé s au même titre le parvis.

 

Figure 6 : Plan élargi

Figure 7 : [Gauche] Perspective, Stoney Beach

Figure 8 : [En haut à droite] Perspective, terres entreposées

Figure 9 : [Au milieu à droite] Perspective, Dalle existante

Figure 10 : [En bas à droite] Perspective, Christ Church

A l’échelle métropolitaine, la nouvelle gare et ligne de train drainent les habitants de l’estuaire vers le parc linéaire et l’équipement public. Dans l’objectif de concilier des programmes productifs et récréatifs il est proposé d’hybrider un Data center, accueillant le développement numérique exponentiel des villes, et des bains publics tout en tirant partie des qualités paysagère du site.   

Bien que beaucoup de choses opposent ces programmes ils agissent ici en symbiose. En simplifiant, l’énergie générée par le stockage des données est refroidie dans un échangeur thermique à l’aide des eaux froides des bains. Ces eaux se réchauffent ce qui permet de bénéficier de bains chauffés à l’année. Un grand bassin de phyto-épuration, permet le traitement des eaux de baignades par les plantes en circuit fermé.

 

Figure 11 : Schéma, interactions programmatiques

Le projet des bains tire parti de cet environnement exceptionnel en nouant une forte relation avec. Le but recherché est donc d’entretenir une ambiguïté entre intérieur et extérieur, entre ce qui est de l’ordre de l’industriel, du naturel et du bâtiment.

Pour ce faire, le bassin de phyto-épuration est creusé en lieu et place de l’ancien dock, il fait ressurgir la figure du dock qui s’accompagne désormais de végétation afin de filtrer l’eau. Le bâtiment des bains, constitué de grands blocs maçonnés dans lesquels on retrouve les éléments de programmes, se pose comme une île sur ce nouveau bassin. Ils centralisent les services afin de dégager de l’espace pour créer de grandes transparences ouvertes sur le paysage.

Ces grands blocs soutiennent l’extension de la passerelle, un maillage de treillis qui fabrique la toiture du projet et l’épaisseur qui accueil de Data Center. Comme on peut le voir sur les coupes les façades du Data center sont triangulées de la même manière que la passerelle et la trame du milieu est croisé afin de garantir la stabilité de l’édifice tout en libérant les autres trames. Ce maillage permet de franchir des portés conséquentes ce qui permet les grandes porosités et de se retrouver en console au-dessus de certains blocs renforçant l’idée d’une toiture qui flotte au-dessus de nos têtes.

 

Figure 12 : Coupe AA'

Figure 13 : Coupe BB'

Figure 14 : Élévation est

Figure 15 : Élévation Ouest

Le baigneur est alors pris entre la grande horizontale du Data Center, le bassin de phyto-épuration, le paysage industriel d’un côté et le lointain de l’autre. Eté comme hiver la baignade est extérieure bien que les bains soient chauffés.

Regroupé en queue de bâtiment ils sont en pleins milieu de la végétation de la phytoépuration et donne la sensation de s’y baigner dedans. On y accède aux bassins par un sas depuis la plage intérieur.

 

Figure 16 : Perspective, Bassin de nage

Avant d’arriver aux bassins en bout de bâtiment le baigneur se déplace sur la passerelle en survolant les activités industrielles. Cette dernière semble pénétrer dans le volume de la toiture du projet et offre un belvédère en sont bout donnant sur l’estuaire. Le baigneur doit ensuite emprunter la rampe qui le conduira au Rez de chaussé. En descendant, une vue de l’intérieur du Data Center lui est offerte d’où il peut aperçoit toute la profondeur de la salle de stockage. 

La rampe descend au-dessus des vestiaires extérieurs et arrive face à l’entrée des bains. Les visiteurs se retournent et peuvent accéder à la buvette ou au reste de la parcelle. Le bloc d’entré maçonné est percé et offre une perspective sur un bain et son sas. En pénétrant à l’intérieur on peut acheter son ticket d’entrée, se changer, se doucher puis arriver sur la plage intérieure, largement ouverte sur l’extérieur. L’hiver le soleil rasant baigne cet espace de lumière, la chaleur est captée par les vitrages et l’on peut se reposer. L’été l’espace est ombragé et ouvrable grâce à des baies coulissantes. Deux blocs sont accessibles, on y retrouve les salles de massages et un sas dans l’un, les saunas et Hammams dans l’autre ainsi que deux sas donnant dans le bassin d’eau froide et le bassin loisir. Le sas du bassin loisir se retourne vers l’entrée du bâtiment et l’on peut apercevoir les visiteurs descendre de la rampe à travers l’accueil.

Figure 17: Plans

Figure 18 : Perspective bassin loisir

Figure 19 : Coupe Détail AA'

Figure 20 : Perspective, façade