Archives par catégorie: Mention Altération et Anticipation

Construire au périgée sédimentaire

Le Comté du Cheshire est incontestablement le berceau de la société commerciale et industrielle moderne. Entre ses deux métropoles Liverpool et Manchester, l’homme a su tisser un important réseau, entre limons et argiles. Les ruines de ses cheminées et entrepôts nomment partout les marchands d’une époque prospère et insouciante. Les eaux de ses canaux, à travers ses verts pâturages, vont porter les étoffes anglaises par delà l’Atlantique et jusqu’aux confins des Indes. L’illustre Manchester Ship Canal est venu fendre cet environnement pastoral et se tendre sur près de dix-huit kilomètres en doublant le tumultueux fleuve Mersey.

Aux colonnes de fumées de l’épopée industrielle se sont succédées celles de la centrale thermique de Fiddlers Ferry. La surface de ces terres au caractère insulaire a été bouleversée par l’homme. C’est en quelques endroits le cadavre d’un monde souillé. On y marche sur une terre sinistre formée de charbons éteins, à travers des amas gigantesques de détritus, recouverts ça et là de quelques masses de verdure sombre, qui contrastent à peine avec le reste du sol vicié.
En parcourant cette chaîne de collines qui furent lessivées pendant deux siècles, vous découvrez tout ce que l’homme a créé d’intolérable et d’effroyable.

L'homme face aux déchets

Une réserve habitée

« Entre le local, l’espace de toute proximité hérité des finages villageois encore prégnants, et l’espace immense et discontinu de la métropole, un espace intermédiaire peut pourtant se dessiner. Les délaissés du périurbain, ces espaces impensés, constituent un réservoir pour reconstruire des continuités, chaîner des fragments disparates et les coordonner à l’espace géographique.», Marion Talagrand,

Talagrand, M. (2012). «Le potentiel du périurbain». In Masboungi, A. (2012). Projets Urbains Durables, stratégies. Paris: Le Moniteur.  

Carte particulière des sols

Plan de résilience hydraulique

Arpley, une enceinte paysagère et sportive

1882

Fin XIXème siècle, les abords du canal de Runcorn à Latchford ne sont qu’une vaste étendue agraire et marécageuse. Le paysage est découpé en de petites parcelles individuelles cultivées par les habitants de Runcorn. Les terres sableuses et limoneuses issuent des inondations régulières de la rivière Mersey permettent une grande fertilisation des cultures. La topographie générale du site présente quelques vallonnements et de nombreux étangs. Le futur site d’enfouissement d’Arpley bordé au sud par le MSC et au nord par les méandres de la Mersey ne présente qu’une faible topographie,

2005

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le site d’Arpley fait office de lieu d’enfouissement de déchets ménagers pour la ville de Warrington. À partir de 1986, le site devient propriété du groupe privé FCC environnement. Il est fermé en 2014 à la suite de manifestations locales. Ce vaste site d’enfouissement demeure à la charge de cette entreprise pour une durée d’environ trente ans. L’écoulement de lixiviats et le risque de pollution lié à la contamination des nappes phréatiques requiert de cesser toutes activités sur ce site afin d’en assuré la stabilité pour une période d’un siècle. 

2030

La premier temps du projet concerne l’aménagement des buttes de terre dans une logique de déblais-remblais. Constituantes premières du projet, ces levées de terre permettent l’installation du centre de tir et la fabrique du paysage à proximité du site d’enfouissement. Leurs dimensionnement et leurs géométries sont étroitement liés aux engins utilisés pour leur édification. L’échelle monumentale de ces maniements de terrain s’apparente à ceux réalisés lors de l’aménagement d’infrastructures routières ou d’ouvrages d’art. La géométrie paysagère du projet, s’appuie sur un travail de sol qui permet de  tenir l’enceinte au site d’enfouissement dans l’espace et dans le temps. 

2031

Le deuxième temps du projet consiste en l’édification de la structure porteuse en terre coulée. Composée de sable, de terre, de graviers et d’une faible quantité de ciment, cette structure s’attache à s’inscrire par ses caractéristiques constructives et spatiales en continuité des buttes de terre. Les différents voiles sont coulés par passes de 2,50m laissant apparaître les reprises de banches à l’alignement des percements. Ces éléments non ferraillés demandent un dimensionnement plus important que des voiles béton. Cette structure s’établit dans une temporalité plus courte que celle des levées de terre. 

2032

Le troisième grand temps de chantier est celui des différentes constructions bois. Ce temps comprend l’édification des structures périphériques, des toitures, des planchers et des différents espaces de vie nécessaires au fonctionnement du programme. Cette dernière phase du chantier est également la plus fragile dans le temps. Les géométries s’articulent avec celles des constructions en terre, plaçant ainsi les circulations en pied de butte, les espaces servants dans l’épaisseur des voiles de terre coulée. 

2033

 

2320

“L’architecture naît de besoins réels, mais elle va au delà; si tu veux la découvrir, regarde les ruines.”

SNOZZI (Luigi), L’architecture inefficiente, Aphorisme, Editions Cosa Mentale, 2016