NEUVILLE Maxime
#4 Great Western Park
Présentation du Site
Le quatrième singulier que nous développons dans le cadre de notre stratégie commune se situe au Nord de Moss Side.
Il a la particularité d'être occupé par une ancienne Warehouse construite au début du 20ème siècle, dont la production, comme bien des entreprises mancuniennes, était le textile. Ce bâtiment a connu de multiples transformations. L'aile Ouest est aujourd'hui occupée par une Mosquée alors que l'aile Est reste en friche. Un grand parc la borde, issu de la démolition de terraced houses (maisons en bandes de la période industrielle) dans les années 60 pour des questions d'insalubrité ou suite à un incendie. Néanmoins, ce parc est plus un élément subi, issu de ces démolitions, qu'un réel atout urbain, pensé comme tel. Le rapport qu'il entretient avec le contexte proche en porte les stigmates, deux bandes de maisons se retrouvant aujourd’hui orphelines de leur moitié. Leur façade arrière, la plus intime, est ainsi exposée directement sur l'espace public. Par la suite, des jardins ouvriers se sont installés au nord de ce parc, mais ils résultent plus d'une occupation spontanée que d'une réelle volonté institutionnelle d'implanter de nouveaux usages dans l'espace public. Un axe Nord-Sud bordait précédemment ce parc à l'Est mais fut bouché dans les années 90 par un projet de logements en gated communities (ensemble d'habitations en copropriété fermée). Une dent creuse, issue de la démolition de deux terraced houses est également visible au sud d'une bande. Après avoir été en friche pendant de nombreuses années, elle est aujourd'hui aménagée en jardin communautaire, même si son ouverture sur le quartier laisse de nombreux doutes quant à son dessein.
Les enjeux sont donc multiples sur ce site, touchant aussi bien à la qualité de l'espace public et des usages pouvant y prendre place ; à la question du petit patrimoine industriel et de son héritage au sein de quartiers précaires ou encore à l'intervention moderne ponctuelle au sein du tissu de terraced houses. C'est ce à quoi nous allons essayer de répondre dans ce projet.
fig. 1 : Vues aériennes du site
fig. 2 : Construction historique du site














fig. 3 : Photographies des lieux
Projet Urbain
La complexité du site et des maux le touchant implique des réponses multiples, faisant échos à la difficulté d’agir que nous avons pu observer lors de notre stratégie.
Premièrement, nous recréons un cheminement doux à l’Est du site, à l’emplacement de l’ancienne voirie, permettant de relier l’axe de Claremont Road au parc de Whitworth, figure paysagère emblématique du quartier présente au nord du site. Ce nouveau tracé urbain s’adapte aux opportunités foncières et amorce de nouvelles habitudes de déplacement au sein de Moss Side.
Deuxièmement, nous proposons une restructuration de la Warehouse existante afin de l’ouvrir à son contexte et de l’associer au parc la bordant. Pour cela, un nouveau parvis minéral est créé en lieu et place de l’ancienne cour industrielle du bâtiment jusqu’au sein du Parc. Celui-ci marque durablement l’importance de ce bâtiment pour l’ancienne communauté ouvrière de ce quartier et son caractère public. Persuadés de la durabilité de cet édifice, nous proposons un processus de restauration de ce dernier en plusieurs phases, à nos yeux plus souple vis-à-vis du futur incertain que connait notre monde actuel. Ce dernier prend la forme d’un échafaudage pérenne englobant à terme le bâtiment et permettant sa mise aux normes ainsi que son accessibilité au public, quel que soit le programme l’occupant, aujourd’hui comme demain. Ce projet réalisé en partie par des fonds publics serait également soutenu par la Mosquée Al Furquan occupant aujourd’hui la moitié du bâtiment et nécessitant une extension à plus ou moins court terme.
Troisièmement, un programme de résidence étudiante est proposé au sein de la dent creuse au nord du parc. Ce programme se veut être un exemple d’entente entre le CLT (Communuty Land Trust) et investisseur privé. C’est par ce dialogue que cette parcelle, aujourd’hui vue comme un délaissé urbain peut redevenir attractive, aussi bien pour de nouveaux habitants que pour la population déjà présente au sein du quartier. Le bâtiment profite d’un assouplissement de contraintes urbaines (densité, franchissement au-dessus de la ruelle) et en contre partie cherche à résoudre les problèmes inhérents au système de terraced houses tout en offrant des lieux de rassemblement à l’échelle du voisinage. Le programme joue ainsi entre respect des règles établies de ce système centenaire et regard moderne sur la densité et le commun. Il amorce une diversification des modèles d’habitats présents au sein du quartier, souhaité dans le cadre de notre stratégie urbaine.
Pour finir, une dernière intervention est prévue, plus modeste, ayant pour but de recréer le statut de ruelle pour les deux bandes de terraced houses ayant souffert de la démolition de leur moitié voisine. Cette dernière prend deux formes différentes, celle de la création de cabanons de jardins au nord, associée à la pratique des jardins ouvriers et pouvant être construits avec le réemploi d’éléments issus de la démolition d'habitations vétustes ; et celle de la création de deux préaux urbains au sud du parc, construits avec des éléments déposés lors de la rénovation de la Warehouse.
fig. 4 : Axonométrie éclaté du projet urbain
fig. 5 : Vue depuis le parc, à gauche l'un des deux préaux urbain, à droite la résidence étudiante, face à vous la Warehouse réhabilitée.
fig. 6 : Plan des Rez-de-Chaussée - Existant et Démolition / Projet
Warehouse
La Warehouse (usine / entrepôt de la période industrielle), élément récurent au sein du patrimoine industriel de Manchesteter, est un édifice dont on peut aujourd'hui apprendre de nombreuses choses. Son système constructif composé de murs porteurs en briques et d’un système mixte de poteaux en fonte et de poutres en bois permet une grande mixité des fonctions et offre de soutenir des charges conséquentes (initialement prévue pour du stockage industriel). Néanmoins, ces bâtiments datant de l’apogée industrielle, doivent se confronter aujourd’hui à des contraintes réglementaires d’accessibilité, de thermique ou de résistance au feu leur demandant de questionner en profondeur leur organisation.
À cette complexité réglementaire moderne, s’ajoute une contrainte spécifique à notre situation de projet. Le projet est en partie occupé par une mosquée et cet usage doit être maintenu lors du chantier. De plus, si la restitution de ce patrimoine industriel au quartier parait évidente, les programmes pouvant y prendre part ne pourront pas forcément arriver tous au même moment et vont certainement devoir évoluer dans le temps. Les portages financiers seront complexes et vont demander un étalement dans le temps des investissements qui semblent de prime abord contraire à la restructuration d’un ensemble patrimonial comme celui-ci.
Et si la nécessité de planifier ce projet devenait l’élément fondateur de ce dernier ? Et si, plutôt que de chercher à complexifier la rationalité de ces plans libres par un assemblage savant de circulations verticales indépendantes et autonomes, on les externalisait en dehors de l’édifice ? La figure du chantier et de l’échafaudage apparait alors comme une évidence. Ce projet illustre le renouveau de Moss Side, l’action tant attendue au sein de ces quartiers monotones de maisons en bande. Il célébrera l’acte de construire, la fabrique collective de la ville par et pour ses habitants. Il ne sera que chantier. Un chantier de 100 ans pour un bâtiment centenaire et peut-être encore plus.
Ce n’est plus un projet que l’on propose, mais un processus. Un processus de rénovation pour ce bâtiment emblématique générant une trame au sein de laquelle un futur non binaire peut prendre place. Il prend la forme d’un échafaudage réalisé en structure métallique dont l’assemblage permet d’accueillir les circulations verticales des différents programmes venant s’implanter à terme au sein du bâtiment. Sa largeur permet aussi bien d’installer un escalier à double volée qu’une circulation plus douce longeant ses façades chargées d’histoire. Il s’accompagne de l’ajout d’un ascenseur au sein de la cour intérieure du projet, libéré par ailleurs de toute construction, et permettant de desservir les deux ailes du bâtiment et de servir de rotule entre tous les programmes.
A contrario de cet effort structurel, nécessaire pour penser une réhabilitation sur le long terme du bâtiment, les intérieurs sont pensés de manière à faciliter la réversibilité des usages. La structure existante est en grande partie conservée, seulement renforcée occasionnellement quand cela est nécessaire. La seule intervention conséquente sur cette dernière se situe au RDC Est du projet, où une nouvelle structure remplace celle existante afin de pouvoir ouvrir le projet de plain-pied sur ses abords. À l’intérieur, de simples boites en ossatures bois sont construites, les chambres, fabriquant une double peau au sein du bâtiment pour abriter les nouveaux usages.
Ce projet-processus amène à réfléchir sur la manière d’intervenir sur le petit patrimoine que nous côtoyons au quotidien et sur la nécessité de penser toute intervention comme un investissement sur le long terme. Nous avons sans doute plus construit que nous ne construirons jamais, tâchons de pouvoir transmettre des éléments aussi adaptables et riches spatialement que ce que nous lègue la Warehouse aujourd’hui.
Une poétique de l'ajout







fig. 7 : Photographies de l'existant

L'enjeu de la structure
Le système structurel mixte bois / fonte présent dans la Warehouse est très permissif dans le cadre d’une réhabilitation. Ce dernier génère de grands plans libres où les poteaux de faibles sections tendent à disparaitre. Les murs sur lesquels s’appuient cette structure traduisent la pérennité de cet ouvrage, un appareillage de trois briques de largeur portant cette maçonnerie à près de 70 cm d’épaisseur. Au-delà de l’effort de mise en œuvre qu’elle traduit, cette façade est largement percée et offre une qualité d’usage à l’intérieur de l’édifice très appréciable.
Néanmoins, plusieurs problèmes apparaissent afin de pérenniser cette structure. Les poteaux en fontes offrent une trop faible résistance au feu et comme la dépose de ces éléments apparait absurde, nous proposons simplement de couler un béton maigre à l’intérieur de ces derniers afin de pallier à cette lacune. Le réseau de poutres en bois présent dans l’édifice permet encore de porter des charges d’usages modernes, et peut facilement être renforcé ponctuellement. Toutefois, la perspective d’insérer au sein de cette structure des circulations verticales correspondant aux usages futurs du bâtiment et aux normes leur étant associées pose question. C’est pourquoi, plutôt que de la remettre en question nous proposons d’externaliser cette nécessité programmatique en dehors du bâtiment et de la transformer en une promenade extérieure exceptionnelle le long de cette épaisse façade de briques.
fig. 9 : Principe structurel interne

fig. 10 : Axonométrie plafonnante de l'échafaudage
Un Chantier Continu

Etat des lieux
La Warehouse témoigne aujourd'hui de son passif industriel. C'est un bâtiment introverti offrant peu de relations avec le parc le bordant. Elle nécessite donc d'être repensée. L'aile Ouest occupée par une mosquée est aujourd'hui exsangue et s'est vue refuser une demande d'extension par la mairie. L'aile Est est inoccupée depuis de nombreuses années et la cour technique lui étant associée n'a plus d'usage aujourd’hui. C'est par cette cour et cette façade Est que peut commencer un nouveau dialogue entre la Warehouse et son contexte, par la création d'un nouvel adressage sur l'espace public voisin.

Temps 1
Le premier temps consiste à intervenir à l'Est de l'actuelle Warehouse, sur la partie aujourd'hui en friche. Un espace public est créé en lieu et place de l'ancienne cour de livraison et se prolonge jusque dans le parc voisin. Un premier travail d'ouverture du bâtiment sur ses abords est réalisé avec la création d'une halle non-chauffée et l'ouverture d'une partie du projet sur le RDC par la création d'arcades et la fusion du niveau demi-enterré et du R+1.
La première phase de l'échafaudage est réalisée, offrant un couvert à l'espace public nouvellement créé et installant un escalier extérieur permettant de desservir selon les normes actuelles les niveaux aujourd'hui inoccupés. Ces derniers peuvent être occupés de manière temporaire en attendant la seconde phase du projet. Un salle de réception communautaire est créée dans la tête du bâtiment, permettant aux habitants du quartier de profiter de ce lieu pour la réalisation de certains événements. Un ascenseur est ajouté au sein de la cour du bâtiment, permettant de desservir facilement les différents programmes présents et à venir.

Temps 2
La structure de l'échafaudage s'étend sur le reste du bâtiment alors sans usage. Elle permet d'y implanter une grande salle modulable pouvant accueillir diverses activités pour le quartier. Une salle des fêtes et créée au dernier niveau, dont la hauteur est réhaussée par la création d'une nouvelle toiture sous l'exosquelette.
La halle non-chauffée au RDC est pérennisée et devient un espace clos pouvant accueillir divers évènements au sein d'un volume double hauteur. L'échafaudage permet de desservir une mezzanine donnant sur cette dernière. Les deux salles nouvellement créées peuvent se substituer à la salle de prière actuelle de la mosquée lors de la réalisation du temps trois du chantier.
Les éléments de structures déposés au sein de l'aile Est du bâtiment (poteaux en fonte et poutres en bois) sont réemployés pour créer un préau bordant le parc sur le sud. Ce dernier permet de recréer une distance offrant de l'intimité aux terraced houses aujourd'hui directement exposées sur l'espace public suite à la démolition de leur moitié voisine.

Temps 3
L'échafaudage atteint sa taille finale. Il permet de couvrir la partie de l'actuelle mosquée lors de sa restructuration. Une terrasse est créée sur le dernier niveau de l'aile ouest prolongeant la salle des fêtes par un extérieur couvert. S'y ajoute une cuisine traiteur et un bar pouvant servir à la réalisation de divers évènements en lien avec ces deux espaces.
Les R+1 de chaque bâtiment sont reliés autour de la cour interne du bâtiment, permettant de mettre en commun les salles accessibles aux habitants du quartier et celles nécessaires à la mosquée pour les études coraniques ou les diverses formations qu'elle propose.

fig. 11 : Axonométrie temporelle de l'intervention urbaine
Temps 4
Et après ?
La structure échafaudage créée permet de nombreuses évolutions du bâtiment. De nouvelles circulations verticales peuvent venir s'y implanter afin de desservir de nouveaux espaces si le programme demande à se fragmenter.
Le parvis créé à l'Est ainsi que la terrasse à l'ouest offrent comme des vides complétant des parties du programme pouvant à terme être construits. En effet, l'exosquelette permet simplement l'ajout d'une boite sous la toiture pour l'un, ou la création d'un réseau de poutres pour l'autre.
La toiture, par sa rationalité constructive, permet facilement de remplacer les tôles ondulées par des éléments translucides en polycarbonate offrant de nouvelles possibilités d'apport de lumière aux derniers niveaux de la Warehouse, libérée de son toit.
Le bâtiment continuera d'évoluer, il est non figé et la structure périphérique sera le support des nouveaux ajouts ou mutations programmatiques.
La coupe Longitudinale et les plans ci-après présentent la Warehouse au temps 3 après la restructuration de l'aile Est, aujourd’hui en friche, et de la mosquée occupant actuellement la partie Ouest du bâtiment. Ils montrent à chaque fois deux états du bâtiment : un premier montrant l'état existant du bâtiment suivi de la réalisation projetée sur l'édifice une fois démolition effectuée. Les façades, elles, retranscrivent l'évolution que pourrait connaître ce bâtiment à travers la réalisation de cet échafaudage.
fig. 11 : Coupe Longitudinale
fig. 12 : Plans de niveaux
fig. 13 : Façades des évolutions permises par l'exosquelette
R+1 // Salle de réception
La salle de réception est un des premiers programmes s’installant au sein de l’aile Est de la Warehouse. La tête de l’ancienne usine est aménagée en double hauteur, le plancher du R+2 étant déposé afin de laisser apparaître toute la structure de poteaux en fonte et de poutres en bois.
Une simple cuisine / bar annexe est créée/crée au sein de ce lieu, seul espace isolé construit lors de cette phase. Ce dernier peut s’ouvrir et se fermer par un système de rideau métallique lorsque la salle n’est pas utilisée.
La salle ainsi créée permet, dès le premier temps, d’offrir un lieu d’envergure aux habitants de Moss Side, depuis lequel ils peuvent avoir une vue panoramique sur le quartier et réapprendre progressivement à l’aimer. En n’intervenant pas sur l’intérieur de la salle, c’est également l’apprentissage d’un héritage que l’on permet, révélant les matériaux et les systèmes constructifs qui lui sont inhérents.

Photographies d'époques et actuelles de Warehouses mancuniennes

Refunctionalization of the Marconetti Ex-Mill
Subsecretaría de Obras de Arquitectura / Gobierno de Santa Fe

fig. 15 : Zoom sur le salon ouest et la coursive distribuant les chambres crées dans l'existant
R+1 // Chambres et Salons
Un dialogue né entre la structure externe mise en place par le projet et la structure historique de la Warehouse conservée dans la quasi-totalité du bâtiment. La première, moderne, est le support des nouvelles circulations verticales et permet d'offrir un couvert protégeant cet édifice patrimonial. L'autre permet d'accueillir de nouveaux programmes, facilement mutables.
Le R+1 du projet correspondant à la réunion des salles nécessaires au centre islamique et de locaux mis à disposition des habitants du quartier est symptomatique de la relation entre ces deux structures. Différents accès externes permettent d'accéder à ce niveau, directement depuis l'extérieur ou depuis des niveaux inférieurs. Ces accès débouchent sur des salons, au nombre de trois au sein de cet étage. Ces espaces donnent à voir la Warehouse dans son apparence d'origine, révélant à l'usager l'histoire de ce lieu, y compris depuis l'intérieur. Ces salons sont reliés entre eux par un déambulatoire, lui aussi conservé dans ses attributs originaux et desservant différentes boites programmatiques réparties sur la périphérie du bâtiment.
Ces dernières sont construites en ossature bois et viennent fabriquer de nouveaux sous-espaces, abrités au sein des murs épais de la Warehouse. De facture simple et peu onéreuse, ils sont facilement démontables ou modifiables, si les usages viennent à évoluer au sein du bâtiment. Ils accueillent des salles de cours pour le centre islamique ou des salles d'activités pour les associations de quartier.
Ces boites programmatiques, ce sont les chambres. Elles s'opposent aux salons, offrant des usages moins organisés (salle de réunion, de travail, coin repos) ou peuvent servir d'espaces d'attente aux espaces partagés par plusieurs acteurs.

GBAU // NOMOS // CARMODY GROARKE
RDC et R-1 // Salles de Prière
Le programme de la mosquée implique un fonctionnement spécifique lié à la pratique de l'islam. La restructuration du bâtiment permet enfin d'exercer dans des conditions dignes, là où le bâtiment actuel oblige une pratique de la prière éclatée dans plusieurs salles et implique une promiscuité entre les pratiquants.
Hommes et femmes se séparent après être entrés par la même porte, pour pratiquer leurs ablutions respectives à deux niveaux différents, rituel nécessaire avant la réalisation de la prière.
La séparation des hommes et des femmes étant demandée dans les Saintes Écritures, nous avons donc pris au mot cette demande afin de réaliser une avancée sociale. Grâce à la création d’une mezzanine sur la salle de prière, les femmes peuvent enfin assister aux mêmes surates que les hommes, sans pour autant perturber la procédure de la prière. La salle de prière devient ainsi double hauteur et se structure sur une cour nouvellement créée, rappelant celle de la mosquée du prophète et par laquelle on quitte le lieu de prière pour ressortir dans le quartier par le Sud du bâtiment. La mezzanine se termine par une assise permettant une vue plongeante sur le niveau inférieur depuis lequel l’imam fait sa prédication et permet aux plus âgées de suivre quand même la prière.
Si l’usage de la mosquée est mis au cœur de la restructuration de cette partie du bâtiment, elle ne le fige pas néanmoins dans ce seul usage. Bien que créant une double hauteur, nous conservons les poutres existantes afin de pouvoir revenir construire un niveau complet si l’usage évolue. De la même manière, les ouvertures donnant sur la cour respectent un découpage par niveau et ne cherchent pas à fusionner les deux étages. Ainsi la double hauteur pertinente dans le cadre de la salle de prière et sa mezzanine pourra persister ou disparaître plus tard.

Amr ibn al-As - Le caire // Conditions actuelles Al Furquan Moss Side


fig. 17 : Interventions sur le RDC
Un nouveau rapport à la rue
Façade Nord, Avant - Après
Arcades créées en lieu et place des percements existants, générant un nouveau sol de plain-pied avec la rue.
Au R+1, la salle de réception jouant d'une double hauteur au sein de la structure existante.
Un jeu de grilles coulissantes, rappelant les pare-pierres initialement présents sur la façade permet de privatiser le RDC du bâtiment lors d'évènements liés à la Salle multi-activités nouvellement créée. Ainsi spectacles d'écoles, concerts payants ou encore réunions d'entreprises peuvent profiter de cet espace comme bon leur semble. En dehors de ces occupations temporaires, ce dernier est offert aux habitants du quartier qui peuvent librement le traverser ou s'y retrouver dans le cadre de brocantes ou de marchés périodiques.

Perpétuer l'ajout
Une histoire, des histoires
Vue depuis le déambulatoire du R+1 desservant les chambres programmatiques en bois, ramenées en périphérie du bâtiment.
Le plancher existant est conservé après sablage, seul le plafond est recouvert par une plaque d'OSB suite à l'isolation entre les poutres existantes.
Les fenêtres existantes sont conservées dans la circulation. Une planche en bois y est fixée afin d'offrir une assise.
Au fond, le Salon Sud donnant sur les terrains de sport bordant le projet.
L'entre deux
Derrière l'apparente répétition des percements au sein de l'édifice existant, se cache un grand nombre de différences qui engendrerait des coûts considérables si l'on devait ajuster les nouvelles ouvertures avec celles existantes. Dans un souci de rationalité du projet, nous avons choisi de mettre en oeuvre seulement trois types de fenêtres permettant de couvrir l'entière variété des ouvertures du bâtiment existant.
La pose de ces dernières génère un entre-deux entre la Warehouse et les chambres nouvellement créées. Elles donnent à voir un petit peu du bâtiment initial tout en apportant de nouvelles qualités d'usages aux intérieurs (grands ouvrants permettant la ventilation naturelle). L'emploi systématique des mêmes modèles permet également leur réemploi au sein du bâtiment si l'on vient à faire évoluer les différentes chambres créées ou si l'on venait à clore un des salons créés.
L'attente
La terrasse proposée dans le cadre du projet est bien plus qu'un simple élément attendant d'être construit par la suite. Elle offre un regard nouveau à l'habitant de Moss Side sur ce quartier qu'il [mé]connait si bien. Il permet de porter un regard d'ensemble sur cette communauté aujourd'hui marginalisée, mais depuis laquelle un sentiment d'appartenance transparait toujours. Sentiment d’appartenance que nous ne doutons pas de transformer en fierté "d'être de" à travers notre projet urbain.
Une maille métallique facilement amovible est fixée sur cette structure et dans le mur actuel de la Warehouse, permettant d’ouvrir grandement sur le paysage tout en assurant la sécurité des usagers. La toiture dans sa configuration actuelle laisse passer la lumière sur cet espace extérieur, mais peut facilement évoluer par la suite.

Retrouver la fierté d'appartenance au quartier
Le Préau

fig. 21 : Préaux auto-construits
Un réemploi participatif
La création du préau au sud du parc résulte de deux éléments : la nécessité de recréer une intimité à la ruelle arrière de ces terraced houses aujourd'hui exposées directement sur l'espace public et la possibilité de réemployer des éléments de bonne facture issus du chantier de réhabilitation de la Warehouse (poteaux en fonte, poutres en bois). Cette démarche pourrait être portée par le CLT dans le cadre d'un chantier participatif impliquant les habitants dans cette action vertueuse d’améliorer leur contexte quotidien.
Cette architecture se décompose ainsi en deux éléments bordant le parc, un premier à l'ouest le long du nouvel espace public minéral créé et un second longeant le city stade à l'Est du site. Ces deux éléments peuvent accueillir à leurs extrémités des locaux plus fermés, donnant sur la ruelle et permettant d'assurer la gestion des déchets pour les habitations voisines.
Le projet né de trois travées de poteaux en fonte dont les deux hauteurs variables permettent de créer facilement une toiture en pente reposant sur les poutres en bois de l'ancienne Warehouse. Le reste des éléments est constitué de chevrons de sections usuelles et de tôles en acier nervurées contreventées par des câbles en acier permettant une mise en oeuvre simple et peu onéreuse de cette construction légère. Un jeu de socles en béton est mis en œuvre sur la dernière travée, profitant du manque de hauteur de certains poteaux pour animer l'espace public.

État existant de la venelle donnant sur le parc
La résidence étudiante
La résidence étudiante oscille entre respect des règles établies par le système de terraced houses et regard moderne sur ce site afin d’offrir au programme et au contexte des qualités nouvelles. Ainsi elle se plie à la largeur étroite de ce site (environ 5m) complexifiant la mise en œuvre de circulations verticales pour un projet de logements partagés. Afin de profiter au maximum des parcelles disponibles, elles sont reliées entre elles afin de pouvoir mettre en commun leurs escaliers et ne former plus qu’une seule résidence reliant les deux rues. Toujours dans une démarche vertueuse vis-à-vis du contexte, la passerelle ainsi créée permet de marquer l’entrée au cœur de l'ilot-venelle et est traitée avec une structure métallique et une maille limitant au maximum l’effet de masque visuel et solaire du projet. Le RDC est constitué des parties communes de la résidence (atelier, cuisine, local vélos) et d’éléments partagés à l’échelle de l’ilot (placette, local poubelle collectif). La placette générée au commencement de la venelle est ainsi animée par la résidence, mais ouverte au voisinage.
Afin de pouvoir atteindre une jauge attractive pour un investisseur, l’édifice émerge en R+3, accueillant ainsi 10 chambres étudiantes de 9m². C’est également la hauteur maximale pour pouvoir construire sans intégrer un ascenseur au bâtiment, ce qui au vu de la taille de la parcelle serait hors d’échelle. En contrepartie de cette dérogation sur la hauteur, les passerelles sont ouvertes aux voisins et terminent sur une terrasse partagée, donnant sur les toits des terraced houses.
Depuis les passerelles, les étudiants peuvent accéder à un réseau d’espaces partagés aux volumes variés donnant sur la ruelle et rappelant le backyard originel. Ces espaces en plus, alloués aux étudiants, servent selon les niveaux, de salle à manger, de salle de travail, de coin lecture ou encore de salon commun. D’une écriture et d’un équipement frugaux (seulement un meuble intégrant des rangements et un point d’eau) ils permettent une grande appropriation de la part des occupants et peuvent s’ouvrir entièrement grâce à la façade rideau les séparant de l’extérieur.
Les chambres sont accessibles depuis ces espaces communs, respectivement orientés Est et Ouest sur les deux parties du projet. Elles sont aux nombres de deux par étages et partagent ensemble une salle de bain et un sanitaire. L’étroitesse de la chambre ( 2m 12 de largeur finit) a demandé un dessin précis des éléments de mobilier lié à la vie estudiantine. Ainsi un premier meuble accueille, l’étudiant dans son logement et lui offre une assise, des rangements, une penderie et un point d’eau. Le lit devient un meuble ramené contre la façade, permettant ainsi de libérer un espace central à la chambre que l’étudiant pourra occuper librement. Ce meuble permet ainsi d’intégrer le bureau, depuis lequel il est possible de travailler sans pour autant voir son couchage.
Cet élément vient se déformer au contact de la façade et propose différents usages à l’occupant. L’allège d’une fenêtre devient ainsi la table de nuit tandis que l’épaisseur de la façade génère un balcon, que l’on peut utiliser en étant assis sur le lit. L’animation de cette façade fait écho à la bow-window historique de ce quartier, pensé comme un lieu de mise en scène du logement dans l’espace public.
La résidence réinterprète sur rue les registres constructifs des terraced houses, en s’élevant avec des prémurs en béton teinté dans la masse avec la couleur caractéristique des briques du quartier. Les menuiseries bois sur-ajoutées à ce système sont tour à tour fenêtre enchâssée dans le mur (la table de nuit) ou remplissage entre deux niveaux (le balcon). Les portées à l’intérieur sont réalisées par des poutres en bois, la faible largeur des parcelles étant originellement optimisée pour permettre ces portées. Le registre sur venelle se veut plus moderne marquant le renouveau de cet ancien arrière délaissé et valorisant les parties communes et publiques. Les façades rideaux générées ainsi que la passerelle et la terrasse sont construits par l’assemblage d’éléments métalliques, permettant de faibles coûts et affinant au maximum les éléments porteurs.
Ce programme est pensé comme un exemple d’entente vertueuse entre un investisseur privé et le CLT que nous souhaitons mettre en place dans le cadre de notre stratégie urbaine pour diriger le quartier.


fig. 21 : Insertion du bâtiment dans son contexte
“ Trente ou quarante manufactures s’élèvent au sommet des collines. […]
Autour d’elles ont été semées comme au gré des volontés les chétives
demeures du pauvre.”
– Alexis de Tocqueville –
