Ditton Cross

Laurie Merciecca


I. Site et programme

Un enjeu de franchissement

En marge du tissus résidentiel périphérique de Liverpool et de la plaine agricole de la Greenbelt, le site du Ditton Cross est marqué par les grandes infrastructures de mobilité qui sillonne son paysage.

Comme on peut l’observer sur l’axonométrie paysagère, le lit de la rivière se heurte une des limites les plus importantes du lieu. Une butte de remblais traverse effectivement cette Greenbelt en soutenant la ligne de train de banlieue qui dessert les villes de l’entre deux métropoles. Un enjeu d’accessibilité se pose alors sur ce site.

L’intervention sur le chemin de fer fait partie d’un programme plus global de restructuration des lignes du Nord Ouest prévue par l’OLR. Cette organisation gouvernementale publique a repris la gestion de ces lignes lors de leur récente nationalisation qui fait suite aux déficiences de la compagnie privée Arriva qui s’en occupait jusqu’alors. Un budget spécial a été accordé à l’entretien des infrastructures et à la remise à niveau de lignes et de nouvelles dessertes. La construction du passage de la rivière à travers la butte de remblais offre alors la possibilité d’implanter une nouvelle station de train de voyageurs. Cette halte ferroviaire va profiter aux usages qui se développent le long du Ditton Brook, ainsi qu’à ceux plus proches, s’inscrivant dans l’épaisseur des tissus urbains et agricoles aujourd’hui peu desservis. Parmi eux, on retrouve sur le plan masse en figure 3 et plus largement en figure 1, les usages existants qui vont être valorisés, comme un étang de pêche de loisir, une ferme pédagogique et un lotissement de mobil-home. Un dessin de sols publics permet alors de mettre en relation deux niveaux de référence, celui des quais du chemin de fer et celui du niveau de l’eau. 

Un programme productif de distillerie de Gin profite de l’intervention plus conséquente de cette portion du parcours pour s’implanter et s’ouvrir au public grâce à la visibilité permise par la station de train. À l’interface de milieux agricoles et urbains, elle participe à l’évolution du secteur agraire régional en tirant partie de la plantation de bocages représentés en figure 4. Pour répondre à ses besoins de production, des arbustes de genévrier sont plantés dans les haies bocagères et le gain de productivité des cultures céréalières permis par l’agroforesterie permet de fournir l’orge, le blé et le seigle nécessaires à la distillation. Une serre au climat méditerranéen est également ajouté au programme afin de cultiver les botaniques sélectionnées pour entrer dans la composition du Gin que l’on peut retrouver sur l’herbier en figure 5.

La valorisation de ces différents programmes donne alors l’occasion d’établir un relais de mobilité. Les mobilités douces publiques, arrivant du Ditton Brook ou du tissu urbain au sud du site, croisent alors la ligne ferroviaire. On observe alors qu’un parking relais est implanté sur une friche en cours de renaturation. Un accès routier technique est également établie au nord du site, le reliant ainsi à une voirie existante qui rejoint l’autoroute un peu plus loin.

Fig 1. Axonométrie paysagère
Fig 2. Acteurs à l'origine du projet
Fig 3. Plan de masse

Fig 4. Principe d'un bocage productif

Fig 5. Botaniques produites dans la serre au climat méditerranéenne

II. Intentions architecturales et paysagères

Infrastructure paysagère et construction agricole

À la fois infrastructure et équipement, le bâtiment s’inscrit dans son environnement en suivant les lignes fortes du site. Les quais de trains s’installent le long de la voie ferrée. Ils sont posés sur un élargissement de la butte de soutènement existante qui est permise par la récupération des matériaux de remblais creusés lors du percement du pont. 

 

Le soubassement du bâtiment s’installe dans la direction de la rivière en élargissant ses berges pour offrir au public un rapport privilégié à l’eau. Il agit alors comme la pile d’un pont venant compléter la butte de remblais. En s’installant perpendiculairement à cette ligne ferroviaire surélevée qui forme aujourd’hui une barrière dans le paysage, le socle du bâtiment accompagne sur la longueur le franchissement de ce soutènement pour offrir différentes de qualités spatiales. On peut voir ces différentes séquences d’entrée sur le site sur les illustrations en figures 7 repérées sur l’axonométrie de la figure 6.

 

Sur la première illustration, on observe l’arrivée du public depuis le nord du Ditton Brook. Le socle se constitue progressivement. Il est d’abord annoncé par un muret, puis par une enceinte accueillant un jardin de plante où sont cultivées les botaniques plus résistantes au climat anglais. L’enceinte du jardin est constituée d’un côté d’une épaisseur maçonnée, où se loge des alcôves servant d’abri aux tables extérieures du bar de la distillerie qui sont illustrés sur la deuxième perspective. De l’autre côté, le jardin est protégé par la rampe d’accès aux quais de trains. Cette rampe, découpée dans le socle, peut s’observer sur l’illustration suivante et sur la coupe transversale de la figure 8. Elle monte le long du bâtiment de la distillerie offrant des vues à la fois sur la rivière en surplomb et sur les alambics Carterhead traditionnellement utilisés dans la fabrication du Gin. Si on revient sur l’axonométrie de la figure 6, on remarque qu’au Sud de la butte, la rampe d’accès est toujours découpée dans l’épaisseur du bâtiment, mais va venir prendre une autre forme. Elle s’enroule autour de la serre pour offrir une variation de paysages sur son parcours. Comme on peut voir sur la 4eme illustration cette rampe s’ouvre à la fois sur la serre, la rivière, et le grand paysage agricole. Elle permet d’aménager à mi-parcours un belvédère sur ce vaste tissus. Enfin, la 5eme illustration et la coupe transversale de la figure 9 illustrent plutôt les espaces d’attente liés aux quais de train. Ils vont se prolonger du niveau ferroviaire jusqu’au niveau de l’eau grâce à l’aménagement d’un parvi et d’emmarchement qui vient au plus proche de l’eau, et qui sera en partie protégé par le pont.

 

Le socle maçonné est ensuite surmonté en partie haute d’une charpente en bois, habitée par d’autres usages. La lecture infrastructurelle est alors hybridée avec l’écriture d’un édifice plus agricole induit par les usages de la distillerie et de la serre. Sur l’axonométrie plafonnante de la figure 10, vous pouvez remarquer que la charpente, en bois d’épicéa Sitka, est conçue selon un principe de portiques moisés. Cette technique nécessite une mise œuvre d’assemblages plus simples et permet une économie de matière par l’utilisation de sections plus fines, rendant ainsi possible l’emploi de bois massifs et limitant la consommation de colle et de résine polluante. Le soubassement exploite le réemploi d’agrégats de briques à travers diverses expérimentations sur la matière.. Un béton de brique, sablé sur les murs extérieurs, révèle la composition particulière de ce béton et constitue la structure verticale du socle. Les dalles de finition s’inspirent de la mise en œuvre de mortier de tuileau, appelé opus signinum par les Romains, et souvent utilisé comme revêtement imperméable. Cette technique traditionnelle donne également lieu à l’expérimentation d’un enduit intérieur vertical, constitué d’agrégat de brique et de mortier, et qui serait coulé entre le mur de béton isolé et une banche intérieure. Cet enduit coulé, est plus solide que des revêtements traditionnel, et va offrir une certaine pérennité face à des usages industriels pouvant provoquer des dégradations plus rapides.

Fig 6. Principe constructif et accessibilité

1. Arrivée depuis le Nord
2. Alcôves du bar depuis le jardin de plantes
3. Rampe le long de la distillerie
4. La serre depuis les quais
5.Cheminements en bord d'eau

Fig 7. Séquences d'entrée sur le site

Fig 8. Coupe transversale - Chambre de distillation

Fig 9. Coupe transversale - Montée vers les quais et descente vers la rivière

Fig 10. Axonométrie structurelle plafonnante

III. Fonctionnement et usages

Confluence de flux

La distillerie à la particularité de produire deux alcools, l’alcool rectifié servant de matière première à la deuxième distillation produisant le gin Gin final. Depuis plusieurs années, la production de cet alcool neutre à base d’un moût de blé, d’orge et de seigle, également appelé alcool agricole, était le plus souvent délocalisé pour des raisons économiques. Le retour de la production du gin sur son milieu agricole d’origine et la politique de relocalisation permet de renouer avec cette pratique.

On retrouve donc sur le plan niveau rivière de la figure 13, à l’ouest de la butte, les différents espaces de la chaîne de manutention, avec notamment : les chambres de fermentation et de distillation, l’espace de dilution et d’embouteillage. Cette chaîne vient se terminer au plus proche de l’accès routier technique. Le bar de dégustation, quant à lui, prend place à l’autre bout de cette chaîne, à l’ouest, pour pouvoir s’ouvrir dans le jardin. Entre les alcôves, on retrouve des espaces de stockages liés aux champs productifs. Des stock verticaux, qui vont plutôt prendre la forme silo, gardent au sec les céréales et tandis qu’un système se développant plutôt sur la longueur permet la réserve des baies de genévriers. Cette technique, inspirée des horréos galiciens, va permettre plutôt qu’un séchage au soleil à forte température, un séchage par une aération naturelle plus lente, qui est préconisé pour préserver l’arôme de ces baies. 

 

De l’autre côté de la butte, à l’est du plan, la serre botanique, que l’on retrouve également sur la coupe transversale en figure 15, profite du soleil du Sud Est pour être chauffée en partie haute et de l’inertie du socle maçonné pour stocker cette chaleur et garder le taux d’humidité nécessaire, suivant alors le principe des serres semi-enterrées traditionnelles.

Au niveau de la ligne ferroviaire en figure 14, le sol des quais publics se prolonge également à l’intérieur de la distillerie, offrant la possibilité d’établir une visite guidée de la distillerie. Ce parcours semi-public reste en surplomb des espaces de manutention ne perturbant ainsi pas la chaîne de production. Ce sol haut, est percé pour offrir la hauteur nécessaires à l’installation des colonnes des alambics, comme on a pu le voir précédemment sur la coupe transversale dans la chambre de distillation. Le bar, également, va se développer en double niveau pour profiter des vues et de la qualité spatiale apporté par le vide. Dans ce niveau de charpente, on retrouve des usages tels que des laboratoires de contrôle, d’élaboration de recette ou l’administration nécessitant une échelle plus domestique.

Pour conclure, l’ambivalence des façades longitudinales, que vous pouvez trouver en figure 16 et 17, permet de répondre à la diversité des paysages offerts par le site. Le rez de chaussé de la distillerie s’ouvre plutôt du côté nord en proximité avec les champs productifs, tandis que la rampe qui se dessine sur la façade sud permet de souligner le rôle infrastructurel du bâtiment.

Fig 11. Usagers du projet

Fig 12. Schéma de fonctionnement de la distillerie

Fig 13. Plan niveau rivière

Fig 14. Plan niveau ligne ferroviaire

Fig 15. Coupe transversale - Serre Botanique

Fig 16. Façade Nord-Est

Fig 17. Façade Sud-Ouest

Cliquez sur "l'île Aux Graines" pour continuer