Réserve de Moore et site d'enfouissement de Arpley, 2018

Le projet s’implante en bordure sud du site d’enfouissement de Arpley, entre la réserve naturelle de Moore, au sud et une large plaine agricole en bord d’estuaire, à l’ouest. Le site de Arpley nécessite, suite à son activité d’enfouissement, d’être stabilisé dans le temps sur une période d’environ cent à deux cents ans dans l’attente d’être à nouveau praticable. L’enfouissement a généré, depuis les années 45, une topographie artificielle étroitement surveillée par un système de drains et de forages.

Les pratiques de parc liées à l’ouverture de cette grande figure paysagère posent alors la question du bord, de la frontière avec ce site d’enfouissement. La réponse tient dans une problématique transversale à l’histoire de l’architecture : l’enceinte. Des enceintes romaines à l’œuvre de Vauban et plus récemment lors des conflits successifs, ce dispositif spatial place en étroite relation architecture et paysage. L’enceinte n’est ici militaire mais provient de l’aménagement nécessaire à la mise en œuvre d’un centre national de tir sportif.

Ce programme particulièrement actif en Angleterre nécessite de grandes surfaces paysagères, généralement excentrées des métropoles. Le caractère national de ce programme tend à conférer la dynamique nécessaire à l’émergence de la figure de parc métropolitain. Le site sera en mesure d’accueillir les douze disciplines olympiques de tir ainsi que de nombreuses pratiques amateurs.

La mise en œuvre de ce programme répond à une logique de monument horizontal, entre paysage et architecture. L’installation des différents pas de tir nécessite de grande levées de terre, selon des logiques de déblais-remblais. Les buttes de terre permettent d’une part de résoudre les contraintes balistiques du programme, et d’une autre part de fabriquer de larges glacis paysagés support au cheminement du sentier de grande randonnée.

La terre, matière primaire à l’origine de l’architecture des stands, devient le matériau porteur du projet à travers des maçonneries de terre coulée. Les planchers et les toitures fabriquent quant à eux de grandes horizontales de bois, en encorbellement sur ces architectures de terre.

La structure paysagère des butes de terre et l’architecture des stands confèrent au projet la radicalité formelle et la pérennité matérielle nécessaire pour inscrire le projet comme enceinte au site d’enfouissement de Arpley.

Site d'enfouissement de Arpley en 2005 en cours d’enfouissement et lors de la visite de site en octobre 2019

Fig.1 Organigramme du centre national de tir sportif

Centre National de tir sportif de Châteauroux, L'Heudé & l'Heudé Architectes, 2019

Michael Heizer a 23 ans lorsqu’il se lance fin 1967 dans la sculpture
environnementale. Tandis que les tensions sociales et politiques
s’exacerbent, il quitte régulièrement New York, où il ne vit que depuis
quelques mois, pour se réapproprier les paysages intemporels du
Nevada et de la Californie. Heizer est en effet originaire de Berkeley,
sur la baie de San Francisco. Il se croit alors investi d’une mission qui
consiste littéralement à inscrire dans le paysage la mémoire de la
civilisation américaine avant l’apocalypse nucléaire qu’il pense imminente.
Dans la dynamique de la conquête spatiale, Heizer affiche une
foi indéfectible en la capacité de la technologie à remplir dans l’urgence
ce devoir national. Paradoxalement, malgré les moyens lourds
mis à sa disposition par de généreux donateurs, ses motifs s’inspirent
essentiellement de ceux des cultures précolombiennes. Leur rusticité
et leur modestie formelle contrastent à la fois avec la sophistication
des outils et avec le discours techno-scientifique de l’artiste. À travers
ces appropriations, Heizer manifeste en particulier sa volonté de
rompre avec l’histoire européenne de l’art. Enfant, il accompagnait
son père, Robert F. Heizer, éminent anthropologue de l’Université de
Californie, sur ses fouilles à travers l’Amérique latine et le sud-ouest
des États-Unis. Plus tard, alors que le père s’évertue à comprendre
les techniques archaïques mises en oeuvre par ces cultures antiques,
le fils fabrique à l’aide d’outils modernes des monuments destinés à
devenir les ruines ou les terrains de fouilles du futur, des ready-mades
archéologiques censés échapper à toute tradition artistique ou académique:

« Je ne travaille pas pour cette génération, affirme-t-il, mais
pour le millénaire ».

PAUL (Serge), Michael Heizer et les risques du sublime
technologique, Marge, 2014

Michael Heizer,City, Complex One, 1972-74. Béton, acier, terre compactée. Garden Valley, comté de Lincoln, Nevada.

Fig.2 Tracés régulateurs des buttes de terre
Fig.3 Plan de masse général Centre National de Tir Sportif
Fig.4 Plan de R-1 - Echelle : 1:500
Fig.5 Plan de RDC - Echelle : 1:500
Fig.6 Plan de R+1 - Echelle : 1:500
Fig. 7 Coupe de détails transversale -Sentier de Grande Randonnée et stand de tir à 50 mètres
Fig. 8 Coupe de détails longitudinale - Circulation centrale et charpente stand de tir couverts
Fig. 9 Coupe de détails transversale - Espaces servants en terre coulée et espaces de vie
Fig. 10 Coupe de détails longitudinale - Stands de tir longues distance et prairie d'accès